Accueil Articles - Nouvelles des numeros precedents Sakyadhita – Seoul 2004 par Martine Batchelor

Sakyadhita – Seoul 2004 par Martine Batchelor

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RENCONTRE INTERNATIONALE DE FEMMES BOUDDHISTES – SEOUL 2004

La Huitième Conférence Internationale des Femmes Bouddhistes organisée par Sakyadhita vient de se passer à Séoul en Corée du Sud du 27 Juin au 2 juillet 2004.  Le thème de cette conférence était : « Discipline et Pratique des Femmes Bouddhistes :  Passé et Présent ».  Deux cents femmes bouddhistes, nonnes et laïques sont venues d’Asie, d’Europe et d’Amérique, et un grand nombres de nonnes Coréennes se sont jointes à elles.

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Le premier jour, ce fut un spectacle surprenant de voir cette foule de nonnes Coréennes de gris vêtu, colorée par le jaune ou bleu ciel des nonnes Vietnamiennes, l’orange des Ceylanaises, le blanc des Thaïlandaises, le rouge foncé des Tibétaines, le marron des nonnes de Malaysia et de Taiwan, le violet et noir des Japonaises et le rose de l’unique nonne Népalaise venue, ordonnée dans la tradition Birmane.

 

nonneasieLe deuxième jour, je fus impressionnée par les présentations très technologiques de nonnes Coréennes qui utilisèrent le système d’ordinateur power point pour nous montrer d’une façon très vivante leur travail avec les enfants, dans les media et dans les hôpitaux.  Un soir, nous avons été émues et surprises par les chants d’un choeur de 23 nonnes Coréennes qui nous montraient en même temps le langage des signes qu’elles avaient toutes apprises en travaillant avec les sourds et muets.

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La première conférence internationale des nonnes bouddhistes se passa en 1987 a Bodh Gaya en Inde.  A la fin de cette conférence, l’Association Internationale des Femmes Bouddhistes du nom de Sakyadhita, signifiant filles du Bouddha en Sanskrit, fut crée.  Son but était de former un réseau de femmes bouddhistes, d’aider à l’éducation des femmes pour qu’elles puissent devenir des enseignantes bouddhiques, de faire des recherches sur les rapports du bouddhisme avec les femmes, et d’essayer de rétablir l’ordination supérieure pour nonne dans les pays où elle avait disparu.  Sakyadhita a joué un rôle très important dans le rétablissement de l’ordination supérieure à Ceylan.

Sakyadhita organise ces conférences tous les 2 ans dans divers pays asiatiques (Thaïlande, Ceylan, Ladakh, Cambodge et Népal). 

nonneCes conférences sont situées en Asie pour donner la possibilité aux nombreuses femmes et nonnes bouddhistes d’Asie d’y assister et pour soutenir les nonnes bouddhistes qui ont une position inégales en invitant des nonnes qui sont très instruites et respectées.  Souvent ces conférences ont stimulé des améliorations pour les nonnes dans les endroits qui ont été visités.  Elles ont aussi aidé les nonnes dans des situations isolées à prendre contact  et recevoir le soutien de nonnes et de laïques du monde entier.  Pendant ces conférences les femmes ont la possibilité de se rencontrer, de se soutenir et de développer les bases d’une autorité non-dogmatique où la diversité est encouragée ; ce qui aide les femmes bouddhistes à établir leur propre autorité en tant qu’individu et aussi en appartenant à une tradition plus vaste.

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Le bouddhisme s’est développé pendant plus de 2000 ans dans différents pays d’Asie.  Au début et à travers les ages les nonnes bouddhistes ont eu une place importante et joué un rôle essentiel mais finalement elles se sont trouvées marginalisées.  Au temps du Bouddha, les femmes pouvaient devenir nonnes en observant 6 préceptes pendant 2 ans et après elles recevaient l’ordination complète ou supérieure de près de 350 préceptes et devenaient ainsi bhiksunis.  Au fil du temps les conditions historiques et cu lturelles changeant, l’ordination pour les femmes prit des aspects différents et dans beaucoup de pays l’ordination complète disparue comme à Ceylan ou ne fut pas transmise comme au Tibet.

Récemment bien qu’il apparaisse qu’il soit impossible de ressusciter l’ordination complète car il manquerait toujours le groupes de dix bhiksunis pour en ordonner d’autres, Sakyadhita a tenté de changer cette situation en organisant une cérémonie d’ordination supérieure à Bodh Gaya  en amenant des bhiksunis de Corée et de  Taiwan.  Ainsi 30 nonnes Ceylanaises devinrent bhiksunis en 1998 et en 2004 il y a plus de 400 bhiksunis à Ceylan. A Séoul, Professeur Ranjani de Silva nous parla de l’éducation de ces nonnes qu’elle pense être encore insatisfaisante mais qui s’améliore petit à petit.  Pour le moment elles ont un seul centre d’études.

Une jeune laïque Thaïlandaise, Varaporn Chamsanit, nous expliqua pourquoi les nonnes en Thaïlande ont la position la moins élevée dûe à la loi de 1928 qui interdit l’ordination complète pour les nonnes.  Les Thaïlandaises qui ressentent une vocation religieuse prennent 5 ou 8 préceptes et portent des habits blancs.  Depuis que l’Institut des Nonnes Thaï a été crée en 1969, les nonnes ont commencé à s’organiser pour étudier et méditer.  En 1956, après une vie bien remplie, Voramai Kabilsingh reçue la première ordination et en 1971 l’ordination complète à Taiwan.  Elle décida de porter des vêtements jaunes clairs et fut très critiquée par la hiérarchie monastique mâle.  Sa fille, Chatsumarn Kabilsingh, un éminent professeur spécialiste des questions féminines et des préceptes bouddhiques, suivit son exemple et reçu la première ordination à Ceylan en 2001 et l’ordination supérieure en 2003 du nouvel ordre des bhiksunis qui venait juste de se former.  Maintenant elle porte des habits marrons.  Varaporn Chamsanit nous fit savoir que depuis trois ans les actions de Chatsumarn Kabilsingh ont créé un grand débat à tous les niveaux de la société Thaïlandaise : gouvernement, medias et hiérarchie bouddhiste.

Au cinquième siècle des nonnes Ceylanaises allèrent en Chine par la mer et fondèrent un ordre de bhiksunis qui a été préservé jusqu’à présent et que l’on trouve aussi en Corée.  Les nonnes chinoises souffrirent beaucoup de la Révolution Culturelle et en 2004, on trouve quelques couvents en Chine mais la plupart des nonnes sont âgées, bien que de nos jours quelques jeunes femmes commencent à avoir la vocation.  Après 1949, beaucoup de nonnes se réfugièrent à Taiwan et elles ont donné de la vitalité au Bouddhisme dans ce pays.  À Taiwan les nonnes sont deux fois plus nombreuses que les moines et beaucoup sont jeunes.  Elles reçoivent une très bonne éducation bouddhiste et sont très actives socialement.  Ainsi la Vénérable Cheng Yen qui créa la Fondation Tzu chi en 1966 pour donner des services médicaux à tous et établit des hôpitaux, des collège médicaux et des centres de recherche.  Elle encourage ses disciples à s’engager pour aider les autres et regarde l’argent comme un outil de bienfaisance.

Peou Vanna nous parla du mouvement récent des nonnes au Cambodge pour s ‘organiser en association en 1995 et pour essayer de changer leurs rôles de femmes de ménages et cuisinières dans les pagodes pour devenir conseillères et enseignante pour les laïques de façon à pouvoir les aider plus efficacement.  Vénérable Thich Nu Nhu Nguyet nous montra que la situation des nonnes Vietnamiennes s’est bien améliorée.  Maintenant elles ont les mêmes possibilités d’éducation que les moines et ont élargi leur rôle dans la société Vietnamienne bien qu’il y ait un peu plus de chemin à faire car les moines dominent et contrôlent encore toutes les affaires bouddhistes.

La conférence se passant à Séoul nous pûmes constater que les nonnes Coréennes sont très actives et nombreuses — 8000 à ce jour.  Elles vivent totalement indépendamment des moines et ont le contrôle total de leur affaires.  Il y a des couvents et des universités pour faire des études et des centres pour méditer.  Les couvents dans les villes sont très actifs socialement.  Tout au long de la conférence nous furent très impressionnées par la force et la vitalité des nonnes coréennes et la sincérité des laïques.  Plus de 500 laïques assistèrent à la conférence.

Il y a autour de 2000 nonnes au Japon dans 1500 temples.  Elles reçoivent peu de soutien de la hiérarchie ou des laïques et souvent elles doivent subvenir à leurs besoins en enseignant le cérémonie de thé ou l’art floral.  Nous eurent la chance d’avoir l’abbesse d’un des rares centres d’études pour nonnes, Vénérable Aoyama Sensei qui nous guida à l’aurore dans la méditation Zen Soto.

L’ordination complète ne fut pas transmise au Tibet.  On trouve quelques couvents au Tibet même mais aussi dans les régions Himalayennes et dans le sud de l’Inde où se sont établis quelques monastères Tibétains.  Mais la position sociale des nonnes est souvent peu élevée et elles doivent servir les moines et quelquefois même leurs familles.  Pour remédier à cette situation, des couvents dédiés à l’étude et à la pratique ont été créés à Dharamsala, la résidence en exil du Dalai Lama et dans d ‘autres endroits dans l’Inde du Nord. Quatre nonnes du couvent de Dharamsala étaient à Séoul et elles nous racontèrent leur vie et leurs études et nous dirent quelle opportunité c’était pour elles de pouvoir étudier ainsi.

La Vénérable Tenzin Palmo, une nonne Anglaise connue pour ces douze années de pratique solitaire dans une grotte, qui a créé un couvent dans le nord de l’Inde pour les nonnes Tibétaines des régions himalayennes, était présente et nous parla de la pratique des préceptes qu’elle considère comme la fondation de toute pratique monastique ou laïque.  La conférence fut riche en discussion.  On parla du bouddhisme et de l’écologie, de la pratique dans la vie moderne, de l’éthique et de la méditation.  Cette conférence fut une occasion pour les bouddhistes Coréennes et des femmes du monde entier de se rencontrer et d’apprécier la diversité et les richesses détenues dans les traditions bouddhistes différentes.

Martine Batchelor