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Une mère bouddhiste

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Rencontre avec Anne, maman de Joseph, 6 ans, et pratiquante bouddhiste

Qu’est-ce qui te paraît le plus inspirant dans l’éducation actuelle ?

L’ouverture qui est proposée sur le monde et les différentes représentations de ce monde. Les médias et le métissage culturel sont une porte ouverte sur une multitude de façons de concevoir l’éducation d’un enfant. Ce n’est pas toujours facile car je préférerais que tous ceux qui participent à l’éducation de mon enfant suivent aussi ma façon de penser ! Mais cette diversité permet d’apprendre la tolérance si nous réfléchissons ensemble pour comprendre ces différences. Je n’ai pas envie d’exercer une censure sur le monde dans lequel vit mon enfant mais je peux utiliser sa richesse pour aider Joseph à devenir plus patient et plus généreux.

Quel est l’impact de la pratique du bouddhisme sur ton rôle de mère et inversement ?

Pratiquer le Dharma me fait rencontrer mes limites, ma propre souffrance et m’amène à souhaiter que mon enfant se libère au plus vite de la sienne. Mais à chaque fois qu’une émotion s’élève chez lui, je ne réagis pas toujours avec justesse car je suis moi-même dans la confusion ! Avant d’agir, j’essaie de m’en remettre à cette dimension de sagesse que nous possédons tous et qui est incarnée par le refuge, les Trois Joyaux. Cela me permet de comprendre que je ne suis ni parfaite ni infaillible et que mon enfant m’aide à progresser. Mon rôle de mère est de partager cette imperfection avec lui et de lui montrer que moi aussi je grandis encore. Avec Joseph, j’ai appris à reconnaître mes erreurs et à demander pardon, alors que je souffrais de ne pas savoir le faire.

C’est peut-être le fait même de devenir mère qui m’a amenée au bouddhisme. Lorsque Joseph était tout petit, je me souviens avoir pleuré en le regardant s’endormir : j’avais l’impression que je passais mon temps empêtrée dans mes pensées et mes émotions. Je pensais : « Si je meurs demain, qu’est-ce que j’aurais rencontré de lui ? Qu’est-ce que je lui aurais offert ? ” J’étais très déprimée ! Maintenant, chaque difficulté que je rencontre avec lui me permet d’utiliser la pratique et les guides pour clarifier ce qui ne va pas. Du coup notre relation s’en ressent. J’ai l’impression de m’ouvrir peu à peu à sa rencontre et d’avoir trouvé, dans ma pratique, ce qu’il y a de mieux à lui offrir.

Mon attachement à son égard renforce mon engagement dans la pratique spirituelle. Un jour, alors que je décrochais le téléphone, j’ai entendu un enfant pleurer dans l’appareil. Je me suis vue emportée par la peur panique que l’on fasse du mal à mon enfant. Seules les mères peuvent savoir ce qui se dresse dans leur esprit dans des situations pareilles ! Ce genre de réaction me donne envie de me libérer de mes émotions pour apprendre à aimer au delà de l’attachement. Je souhaite tellement offrir à mon enfant des réponses plus justes et plus créatives que mes seules réactions émotionnelles. C’est la même impulsion qui me ferait sauter dans une rivière gelée pour sauver mon enfant, qui m’engage, maintenant, dans la pratique du Dharma !

Dans les moments de doute, qu’est-ce qui te soutient ?

Je vis seule avec Joseph et, même s’il a un père vraiment présent, je dois tout de même être à la fois souple comme une mère et autoritaire comme un père. De nature plutôt exigeante, j’ai tendance à incarner l’autorité paternelle mais, à chaque fois que je gronde Joseph, je me demande si cette autorité est vraiment justifiée par la situation ou si elle n’est pas en réalité l’expression de mon caractère.

La première chose qui m’aide est d’en discuter avec des amis, parents eux-mêmes, qui rencontrent également ces moments de doute. C’est rassurant de pouvoir échanger à propos de nos difficultés. J’en parle aussi avec le papa de Joseph, ce qui me permet de voir que le problème vient d’abord de mon attitude. C’est ce travail sur moi-même, pas toujours facile, qui me permet d’avancer.

Enfin, mon enfant m’encourage à continuer dans ce sens. L’autre jour, devant son refus de faire la sieste, je me suis fâchée contre lui. Comme il me tenait tête, lasse de cette confrontation, je suis partie en abandonnant la partie. J’étais perdue dans mes pensées, l’orgueil blessé, avec le sentiment que le cadre était en train de bouger puisque Joseph grandissait ! Plus tard, dans la journée, désolée, je suis allée le voir pour m’excuser. Je ne savais pas s’il était juste pour lui que je m’excuse. Le soir, alors que je l’embrassais, Joseph m’a dit : “ Tu sais, maman, je m’excuse pour cet après midi, demain je vais essayer de ne plus le refaire ”…

En attendant d’y voir plus clair, cela me rassure de constater que nous nous ouvrons peu à peu à notre dimension humaine.

Source Dhagpo Kagyu Ling –