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La compassion agissante par Jetsunma Tenzin Palmo

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Spécial compassion du n° 20 – dix ans de présence sur le net

tenzinpalmo2C’est relativement facile de s’asseoir sur notre coussin et de penser « que tous les êtres sensibles soient heureux », et d’envoyer des pensées d’amour bienveillant à tous ces petits êtres sensibles là bas au loin, quelque part. Et puis quelqu’un vient nous dire qu’il y a un coup de téléphone pour nous et nous répondons avec humeur: « Allez-vous en, je suis en train de faire ma méditation d’amour bienveillant ! »
La meilleure place pour commencer notre pratique du Dharma est notre famille. Nous avons les connections karmiques les plus fortes avec les membres de notre famille, par conséquent, nous avons une grande responsabilité pour développer nos relations avec eux. Si nous ne pouvons pas développer de la bienveillance envers notre famille, pourquoi parler des autres êtres ? Si nous voulons réellement ouvrir notre coeur, ce doit être avec ceux à qui on est directement relié, comme nos compagnes ou compagnons, nos enfants, nos frères et nos soeurs. C’est toujours une tâche difficile, parce que nous devons surmonter des façons d’être profondément enracinées.

Je pense que cela est particulièrement difficile dans les couples. Parfois, je pense que ce serait une bonne idée d’avoir un magnétophone ou même une camera vidéo pour enregistrer la façon dont les couples se traitent l’un l’autre, pour qu’ils puissent se voir et s’entendre agir eux-mêmes par la suite. Il dit ceci, elle dit cela, chaque fois, et à chaque fois, les échanges sont tellement maladroits. Ils sont enfermés dans un comportement. Ils causent de la souffrance à eux-mêmes et autour d’eux, y compris à leurs enfants, et ne peuvent pas en sortir. Mettre de la bienveillance en pratique aide réellement à défaire les comportements rigides que nous avons développés pendant de nombreuses années. C’est parfois une très bonne idée de simplement fermer nos yeux, puis de les ouvrir et de regarder la personne en face de nous — particulièrement si c’est quelqu’un que nous connaissons très bien, comme notre partenaire, notre enfant ou nos parents — et de réellement essayer de les voir comme si c’était la première fois. Cela peut aider à apprécier leurs bonnes qualités, ce qui nous aidera alors à développer de l’amour bienveillant à leur égard.

Pratique chez Mère Térésa

Quand j’étais au Népal en 1994, j’ai reçu une lettre d’un australien qui était moine depuis quinze à vingt ans. Elle faisait environ onze pages. Il avait lu quelque chose que j’avais écrit sur le fait que de nombreux Occidentaux pratiquent le Dharma pendant des années, mais qu’en réalité, rien n’a changé dans leur vie. J’avais dit que quand vous les rencontrez des années plus tard, les mêmes problèmes sont toujours là et je m’étais demandé quelle en était la raison. Il était d’accord avec ce que j’avais constaté. Il écrivait qu’il était en retraite en train de faire une pratique de Chenrézig quand il réalisa qu’il la faisait simplement machinalement. La pratique ne transformait pas du tout son esprit. La visualisation restait dans sa tête. Il se rendit auprès de SS le Dalaï lama et lui demanda s’il pouvait être autorisé à travailler pour Mère Térésa pendant un moment. Sa Sainteté lui répondit : « Oui, c’est bien, vous n’avez pas besoin de porter la robe. Allez-y tout simplement et travaillez là. »

La lettre portait principalement sur le temps qu’il avait passé à Calcutta, travaillant pour Mère Térésa et sur la compassion. C’était une belle lettre et je souhaite maintenant l’avoir gardé. Il disait que la compassion, c’est de laver et de prendre soin de quelqu’un qui est dégoûtant et couvert d’excréments et de plaies, qui n’a aucune envie que vous le laviez et preniez soin de lui. Certains patients sont très agressifs. Ils ne veulent pas qu’on prenne soin d’eux. Ils ne sont certainement pas reconnaissants. Ils méprisent votre compassion. Alors quelle est votre compassion dans ces circonstances ? Où est-elle ? Il disait que, selon les instructions de Mère Térésa, quand les nonnes prennent soin des malades et des mourants, elles les voient comme Jésus. En d’autres termes, elles ne sont pas juste en train de fabriquer de la pitié : « Oh, pauvre personne, je suis là, moi, le grand bodhisattva, pour prendre soin de toi. » Elles le font avec un profond respect, amour et une perception purifiée. Elles sont reconnaissantes d’avoir le privilège de servir Jésus. Elles prennent leur travail avec une grande joie et un sentiment de privilège et non de pitié condescendante. Cette qualité de l’esprit est ce qui les soutient. En plus, elles passent plus de la moitié de la journée en prière et en contemplation. Elles ne sont pas toujours en train de courir dans les rues de Calcutta.

Je pense que c’est un point important à méditer pour chacun de nous bouddhistes. Il est absolument essentiel de faire une pratique formelle et d’avoir la compréhension et les expériences issues de cette pratique formelle. Mais ce n’est pas assez. Cette compréhension doit se traduire dans nos actions quotidiennes et dans nos interactions avec les autres. Si ce n’est pas le cas, il y a quelque chose qui ne va pas du tout. C’est très facile de s’asseoir sur un coussin, de penser à la compassion et de se convaincre que l’on est quelqu’un de gentil et d’attentionné.

Extraits de  » Reflections on a Mountain Lake » – Traduction Bouddhisme au féminin

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