Deux enseignantes répondent à une questions posée par un(e) pratiquant(e):
– Zenkei Blanche Hartmann de la tradition Zen, ancienne abbé du San Francisco Zen center,
– Narayan Helen Liebenson, enseignante au Cambridge Insight Meditation Center de la tradition Théravada.
Les enseignements bouddhistes parlent de ne pas avoir de distinction entre «soi» et «l’autre». Mais ils parlent aussi d’utiliser la méditation pour découvrir son «vrai moi». Si nous essayons de diminuer l’écart entre soi-même et l’autre, comment le fait de découvrir son moi aide dans ce processus ? Quand je médite, je découvre davantage sur moi-même, mais cela semble m’empêcher de lâcher mon sens du « moi ». Donc, cela me confond beaucoup!
Zenkei Blanche Hartman: Oui, le Bouddha n’a enseigné aucune distinction entre «moi» et «l’autre» et il a également enseigné la libération de la souffrance de l’attachement au moi. Il a enseigné en partageant son expérience directe de la libération. Et il a enseigné qu’un «moi» séparé de toute existence est une construction de l’esprit et ne peut être trouvé dans la réalité.
Ainsi, découvrir le «vrai moi», c’est avoir l’expérience directe de l’identité avec tout ce qui est; C’est «être un avec tout». Il ne s’agit pas de méditer pour essayer de diminuer l’écart entre soi-même et l’autre. En fait, nous pratiquons pour voir directement qu’il n’y a jamais eu une telle séparation dans la réalité. La séparation est créée par nos pensées et une vie de conditionnement.
Narayan Liebenson Grady: Découvrir notre «vrai moi» signifie reconnaître notre bonté originelle, la plénitude intérieure et le contentement naturel. En tant qu’êtres humains, nous avons la même nature que le Bouddha. La nature de Bouddha est vide d’avidité, de haine et d’illusion et pleine d’amour inconditionnel, de compassion, de joie et d’équanimité. Reconnaitre notre propre nature de Bouddha, c’est réaliser la nature vraie et illimitée du cœur. La nature de Bouddha n’a rien à voir avec ce que nous considérons comme moi, le mien ou moi-même.
Ce que nous voyons lorsque nous pratiquons, ce n’est pas ce que nous sommes, mais ce que nous ne sommes pas. Nous voyons des modes de fonctionnement et des habitudes que nous avons par erreur perçues comme étant « moi ». Ce sont des habitudes et des comportements que nous avons mis en oeuvre sans sagesse et qui ont causé des problèmes et des souffrances pour nous-mêmes et pour les autres. Il est essentiel de connaître ces comportements par notre propre expérience de la vie, car ce dont nous n’avons pas conscience nous rend esclaves. Sayadaw U Tejaniya dit : « Ce n’est pas vous, et pourtant, vous en êtes responsable ».
À mesure que nous prenons conscience de ces comportements et de ces habitudes, le fait d’en avoir une perception directe nous permet de les voir tels qu’ils sont: impermanents, conditionnés et cause de souffrance. Un aperçu direct encourage le lâcher prise, et avec l’absence de saisie, les notions de moi et des autres se dissolvent. Nous nous rendons compte que nous sommes tous ensemble dans le Un et que nos comportements et nos habitudes créent un sentiment inutile de séparation.
Lorsque vous dites que découvrir davantage à propos de vous-même vous empêche de lâcher le sens du ‘moi’, est-ce parce que vous vous identifiez avec ce qui est vu ou découvert? L’identification est la séparation. Si vous pouvez voir ces façons de fonctionner comme des schémas de comportements et ne pas transformer ces découvertes en de nouvelles identités à propos de ce que vous êtes, ces façons d’être vont se dissoudre doucement et graduellement grâce à la prise de conscience.
Lorsque vous voyez que ce que vous avez prétendu être le moi et l’autre est toujours en train de changer, vous pouvez lâcher ces notions fixes de moi et d’autrui, et vous éveiller à la merveille de la réalité.