Les moines remplissent une fonction sociale assez similaire à celle des prêtres chrétiens, cérémonies pour des événements importants dela vie, rituels tout au long de l’année pour marquer le déroulement du temps et donner l’occasion de célébrations collectives. Ces rituels sont en général rémunérés et sont donc des moyens de subsistance, ce sont en outre des situations de pouvoir dans la communauté. On comprendra pourquoi les moines en gardent jalousement le privilège (tout comme les prêtres dans le christianisme). Les barrières se situent à différents nivaux, au niveau inconscient : monopoliser l’accès au sacré, et au niveau conscient : garder le monopole de l’image gratifiante, du « pouvoir spirituel », et au plan matériel garder les ressources des fidèles. Les nonnes sont totalement exclues de ce jeu de pouvoir, car les rites ne leur sont pas enseignés.
Les moines dépendent des laïcs (et laïques) pour leur subsistance, par conséquent, que ce soit au Tibet ou ailleurs, les laïcs hommes et femmes sont toujours accueillis avec chaleur, les nonnes étant regardées comme en quelque sorte des « concurrentes » qui détourneraient des dons, ce qui explique que les moines ont toujours découragés l’établissement de couvents (ou de « nonneries » pour reprendre le joli terme anglais). Cette attitude se retrouve dans les différents branches du bouddhisme. Alexandra David Neel fait état dans ses ouvrages de l’intérêt des moines pour le commerce (à l’époque où elle y était bien sûr), car il fallait bien vivre, la famille ne pouvant pas toujours subvenir aux moyens du moine et les rituels payants étant à partager entre de nombreux moines.
La situation était semblable en Europe lorsque les couvents, comme les monastères, vivaient non de leur travail mais de dons. Thérèse d’Avila eut à affronter l’hostilité ouverte de franciscains lors de l’établissement de certains carmels. Dès qu’un monastère vit de son travail, la question change totalement. Pour ce qui est de la situation présente des nonnes dans le bouddhisme tibétain, il faut faire une distinction entre les nonnes d’origine tibétaine vivant encore au Tibet, au Laddak, au Népal, au Boutan dont la situation semble toujours assez dramatique, celles qui vivent en Inde du Nord dans des « nonneries » comme celle de Tenzin Sonam (voir la rubrique « nouvelles ») ou celle de Tenzin Palmo — où le désir de réforme existe et les femmes sont plus soutenues — et enfin les nonnes tibétaines d’origine occidentales qui vivent en Occident dans des monastères mixtes.
Alexandra David-Neel rapporte que la règle bouddhiste interdit aux femmes de dormir dans un monastère masculin (même pas elle, bien qu’elle ait été reconnue comme une sorte de « lama » ). Probablement ceci est toujours en vigueur dans les régions d’influence tibétaine, tandis qu’en Occident, dans les centres tibétains qui se sont multipliés ces dernières années, la mixité est considérée comme naturelle, cela ne signifiant nullement que les nonnes y jouissent de la même autorité ni qu’elles y occupent les mêmes fonction que les moines.Il y a un autre phénomène à prendre en considération, c’est la proportion de femmes pratiquantes dans le bouddhisme en Occident ; les pratiquants qui se pressent aux retraites ou aux enseignement sont des pratiquantes dans une proportion de 75 à 80 %.
La religion en Occident est toujours l’affaire des femmes. Si donc le bouddhisme tibétain veut s’implanter de façon durable en Occident, il faudra que des femmes soient formées pour enseigner et implanter des centres. C’est déjà le cas aux Etats Unis, pas encore en France (à notre connaissance), et, nécessairement, les textes et les habitudes visant à écarter les femmes d’un engagement monastique seront à mettre en question. Marine.