« Il est très important de nous motiver avant de commencer à pratiquer. Sinon, quand l’euphorie du début s’estompera, notre esprit commencera à s’ennuyer et sera facilement distrait. C’est pour cela que quand des personnes commencent à pratiquer shamatha, on leur conseille de commencer par des séances très courtes. Il nous faut être habiles et travailler avec notre esprit et non contre lui. Il y a deux façons d’aborder la tâche. L’une d’elles est de s’asseoir pendant une heure ou peut-être même trois heures et de s’y tenir. Quoi qu’il arrive, nous ne nous levons pas, nous ne sortons pas de la salle en courant pour aller hurler dehors. Nous restons assis et traversons tout ce qui se passe en nous. L’autre façon est de se dire: «Soyons gentils avec notre esprit. Travaillons de pair avec l’esprit.»
Après tout, nous devons faire en sorte que notre esprit ait envie de se concentrer. Si nous lisons un livre que nous trouvons terriblement ennuyeux, nous aurons beaucoup de mal à nous souvenir de l’histoire. Il y aura en nous un conflit, comme un sentiment de désespoir de notre esprit, qui ferait n’importe quoi pour ne pas avoir à lire ce livre, et il nous sera très difficile de poursuivre. Il y a «moi» et puis il y a ce livre que je me force à lire. Mais si nous lisons quelque chose qui nous passionne, nous ne nous rendons même pas compte que nous sommes en train de lire, parce que cela devient une joie. Nous rangeons le livre avec grand regret quand nous en sommes obligés, attendant avec impatience la prochaine occasion de le rouvrir. Nous pouvons accomplir quelque chose de similaire avec notre pratique. Des gens m’ont confié que comme leur esprit est toujours très actif et qu’ils ont eu une éducation intellectuelle, ils trouvent la méditation ennuyeuse. C’est un problème que beaucoup rencontrent.
Comme je l’ai déjà dit, pour que l’esprit soit intéressé par la méditation, il faut s’assurer que les temps de méditation soient courts quand nous débutons. L’esprit peut en effet s’intéresser à peu près à tout sur une courte période. En revanche, si nous faisons durer les séances trop longtemps, l’esprit commencera à s’agiter. Il s’agitera même s’il est intéressé, parce qu’il n’a pas l’habitude de rester concentré sur un objet pendant une longue période. Ensuite, quand nous voudrons méditer à nouveau, nous rencontrerons une résistance intérieure, parce que l’esprit se souviendra s’être ennuyé la fois précédente. Tandis que si nous nous arrêtons avant de nous ennuyer, quand nous apprécions encore la méditation, l’esprit se souviendra avoir passé du bon temps et aura envie de recommencer.
C’est pourquoi nous conseillons souvent, en tout cas dans la tradition tibétaine, d’avoir des séances de shamatha courtes mais régulières. «Court» veut dire n’importe quelle durée, pourvu que vous vous sentiez à l’aise. Il ne servirait pas à grand-chose de méditer pendant moins de dix minutes. Je pense que vingt minutes est un bon laps de temps. Il faut environ dix minutes pour que notre esprit s’apaise. Si nous arrêtons la séance dès que l’esprit devient silencieux, c’est trop rapide. En revanche, si nous continuons trop longtemps, l’esprit va atteindre ses limites et commencer à se dissiper. Si nous nous arrêtons à ce moment-là, c’est que nous avons attendu trop longtemps. Mieux vaut arrêter la méditation juste au moment où la concentration est à son maximum et juste avant qu’elle ne commence à décliner. Quand vous vous rendez compte que votre esprit est en train de se lasser, vous pouvez vous arrêter quelques minutes et regarder autour de vous avant de reprendre.
Un esprit concentré peut être comparé à un large faisceau de lumière que l’on focalise jusqu’à ce qu’il devienne comme un rayon laser. Ce rayon laser, quand il se tourne enfin vers l’intérieur, peut briser de nombreuses couches de notre esprit. Si la lumière est diffuse, elle ne peut qu’éclairer la surface mais ne pourra pas pénétrer en profondeur. Nous essayons vraiment de développer des qualités qui sont déjà présentes en nous et qui sont innées. Nous avons tous la capacité de nous concentrer.»
Extrait de La Vie Quotidienne comme Pratique Méditative (Ed. Courrier du Livre).