Entretien avec Rozenn Pénau
enseignante détachée pour la formation des personnels
Il semble que de nombreux phénomènes de violence restent invisibles aux yeux des adultes, qu’en est-il ?
Pour répondre nous pouvons distinguer trois types de violences :
1- Les violences entre élèves, qui adviennent dans les lieux et temps « informels » : couloirs, cour de récréation, toilettes, abords de l’établissement et chemin de l’école à la maison.
2- Les violences d’adultes à l’encontre des élèves qui relèvent du code pénal : violences physiques, sexuelles et racisme.
3- Les violences ordinaires inhérentes au fonctionnement traditionnel de l’enseignement.
1 ) Les violences entre élèves :
Les collégiens se sentent victimes, en premier lieu, du manque de respect (pour la moitié d’entre eux), ensuite du fait d’avoir ses affaires personnelles abîmées, puis du vol, du chantage, des coups, du racisme, du racket et enfin d’agressions et de harcèlements sexuels. Cela se passe dans les lieux et durant les périodes de temps où les adultes ne sont pas présents.
En fait, ce n’est pas tellement l’événement lui-même qui est violent, c’est le fait qu’il n’ait pas été traité et résolu qui est perçu comme violent : cela développe chez les adolescents un sentiment de méfiance par rapport aux autres, un sentiment d’insécurité, des comportements d’évitement voire d’autodéfense.
Les élèves ont besoin d’un espace de parole pour pouvoir s’exprimer, car ils arrivent en cour avec toutes ces expériences dans leur vie quotidienne. Quel espace vais-je laisser à l’élève pour dire sa souffrance et comment va-t-on pouvoir s’organiser pour que cela soit réparé et ne se reproduise pas ?
2)Les violences d’adultes à l’encontre des élèves :
La loi du silence existe encore, même si de gros efforts ont été faits pour dénoncer de tels faits. D’un côté on manifeste une détermination à sanctionner les violences exercées par des élèves sur des adultes et de l’autre, on maintient à leur poste des enseignants dont tout le monde sait qu’ils sont violents. Et pourtant, le fait d’exercer une violence en position d’autorité sur un mineur de moins de quinze ans constitue, pour la justice, une circonstance aggravante.
3) Les violences ordinaires inhérentes au fonctionnement traditionnel de l’enseignement :
Il existe toute la variété des violences ordinaires inhérentes au fonctionnement traditionnel de l’école. Il s’agit essentiellement d’abandonner un élève à son échec scolaire et de le réduire à une identité de mauvais élève, en ne lui laissant aucune opportunité de manifester ses qualités de personne humaine. Cela se traduit par le refus de donner des explications, l’utilisation d’un vocabulaire que l’élève ne comprend pas, la relégation au fond de la classe, les propos humiliants, l’annonce publique des notes…
Il y a la violence de ce phénomène qui consiste aujourd’hui à désigner la jeunesse comme coupable de troubler l’ordre scolaire et social. L’adolescent est vu d’abord comme mineur délinquant avant d’être vu comme une personne en souffrance. On sous-estime l’importance du facteur violence subie comme cause des comportements violents. Un enfant dont les droits ont été bafoués n’a pas appris à se respecter ni à respecter les autres.
Quelle est l’importance de « l’effet établissement » ?
Les études concernant la violence à l’école confirment l’existence d’un « effet établissement ». Dans les quartiers disqualifiés, certains établissements se laissent contaminer par les problèmes du quartier alors que d’autres s’en protègent bien et maintiennent un climat de paix scolaire et de travail. La violence n’est cependant pas réservée aux établissements placés dans un contexte difficile, elle peut également se développer dans des établissements plus favorisés. Il apparaît que tout établissement scolaire a sa dynamique propre et dispose d’une possibilité d’agir sur les phénomènes de violence. Il contribue soit à nourrir le phénomène et à l’amplifier, soit à le désamorcer et à l’apaiser.
Les facteurs qui favorisent l’apaisement des phénomènes de violences pourraient se résumer ainsi :
– La cohérence, la coopération et la bonne cohésion de l’équipe des adultes : là où il a des problèmes graves, on s’aperçoit qu’il y a des conflits importants entre les adultes.
– La cohérence dans les limites, le consensus entre les adultes sur le respect des règles.
– Des espaces de parole, des espaces de médiation où l’on peut traiter les difficultés et les conflits.
Dans de tels établissements, il va être facile par exemple, d’élaborer une charte de vie où figurent les droits et devoirs des élèves et, en regard, ceux des adultes. Il va être facile pour les élèves de demander et d’obtenir de l’aide pour faire les devoirs et le taux de participation aux activités extra-scolaire va être important…
La violence ne se situe pas à un niveau qui nous serait inaccessible comme un problème de société, un problème d’urbanisme, ou tout autre problème extérieur. Ce n’est peut être même pas un problème mais plutôt une problématique qu’il nous faut aborder au niveau de ce que nous vivons : notre travail, la classe et l’établissement.
Source Dhagpo Kagyu Ling – partage sur la violence à l ‘école