Par Samanthi Dissanayake BBC news
En Thaïlande, une femme laïque a été identifié par les chercheurs comme l’auteure le plus probable d’un important traité bouddhique précédemment attribué à un moine de haut niveau.
Thammanuthamma-patipatti est un ensemble de dialogues, supposé se dérouler entre deux éminents moines thaïlandais du siècle dernier. Il avait été attribué à l’un d’eux – Vénérable Luang Pu Mun Bhuridatta. Mais les chercheurs croient que l’auteure réel est l’une de ses disciples, faisant d’elle l’une des premières femmes thaïlandaises à écrire un tel texte.
Publié en cinq parties entre 1932-1934, d’abord sans nom d’auteur, Thammanuthamma-patipatti (pratique en parfaite conformité avec le Dhamma) est considéré en Thaïlande comme un texte précieux et profond qui traite des différentes étapes de l’éveil.
Le Docteur Martin Seeger de l’Université de Leeds croit qu’il a retouvé l’auteure du texte : Damrongthammasan Khunying Yai – une femme riche et très pieuse, qui avait développé une connaissance impressionnante des textes sacrés bouddhistes cours de sa vie.
Mme Yai Damrongthammasan est né en 1886 dans un milieu thaï noble et a grandi à Bangkok. Contrairement à la plupart des femmes en Thaïlande à l’époque, on lui avait appris à lire et à écrire et, après avoir étudié avec des moines, elle aurait développé une connaissance approfondie de la doctrine bouddhique.
Après la mort de son mari, elle se retira dans un monastère bouddhiste dans le sud de la Thaïlande, où elle méditait et a étudié jusqu’à sa mort en 1944.
« Pour ceux qui connaissent le texte, il est très profond et significatif, et il a été ré-édité plusieurs fois, » dit le Dr Seeger.
Le Dr Seeger, qui a également été ordonné moine bouddhiste en Thaïlande entre 1997 et 2000, se rappelle comment il regardait ce livre quand il étudiait le bouddhisme. À ce moment là, il n’envisageait même pas que l’auteur aurait pu être quelqu’un d’autre que le Vénérable Luang Pu Mun – qui est vénéré en Thaïlande et est à l’origine du renouveau de la tradition monastique de la Forê .
Mais l’un de ses amis insistait que quelque chose dans le texte ne collait pas: «Quand [mon ami] dit qu’il avait entendu que c’était une femme qui pouvait l’avoir écrit, cela m’a intéressé», dit le Dr Seeger. Cet intérêt s’accrut d’autant plus qu’il n’avait jamais entendu parler de Mme Yai Damrongthammasan avant.
Grâce à une subvention de la British Accademy, le Dr Seeger se mità enquêter sur cette hypothèse. Le premier indice apparut dans une biographie de son fils adoptif – qui avait également été ordonné moine – dans lequel il dit que le traité avait été écrit par elle.
Le Dr Seeger a interrogé des personnes qui avaient rencontré Mme Yai Damrongthammasan et les enfant de ceux qui l’avaient connue. Il rechercha dans des biographies de différents moines, recoupant des sources différentes jusqu’à ce que, dit-il, il soit devenu clair qu’elle devait avoir été l’auteure du livre.
Il y a aussi plusieurs indices dans le texte qui indiquent qu’il est peu probable qu’il ait été écrit par un moine.
En fait, aucune des biographies de Luang Pu Mun qui font autorité ne prétendent qu’il l’a écrit. Il en a été crédité de la « paternité » que dans les éditions ultérieures de l’ouvrage, qui présentait des photos de lui et d’un autre moine sur la couverture. Le Dr Seeger pense qu’il est peu probable que Mme Yai Damrongthammasan ait jamais rencontré Luang Pu Mun.
Quand il mourut en 1949, Luang Pu Mun était devenu une figure nationale, et le texte semble lui avoir été attribué par la suite.
Le Dr Seeger croit certains disciples de Luang Pu Mun peuvent être en désaccord avec ses conclusions. La tradition de la forêt a plusieurs monastères à travers le monde, dont quatre au Royaume-Uni.
Mais Justin McDaniel, qui enseigne les études de textes religieux du Sud-Est asiatique à l’Université de Pennsylvanie, dit qu’il ne pense pas que cela soit susceptible de provoquer la controverse.
« Vous devez comprendre que la « paternité » en Thaïlande n’est jamais considérée comme étant d’une seule personne. Cette idée qu’une seule personne détient des idées est considérée comme une notion ridicule », at-il dit, ajoutant que la paternité est souvent considéré comme un composite.
Il ajoute que l’idée que Mme Yai Damrongthammasan ait pu écrire le texte est conforme à la façon dont les femmes étaient considérées à l’époque. « Les femmes étaient considérées comme ayant la même capacité quand il est venu à l’érudition bouddhiste que les hommes »
« A cette époque comme de nos jours, les femmes étaient considérées comme ayant la même capacité quand il s’agissait de l’érudition bouddhiste que les hommes, en particulier dans les domaines de la méditation et de l’étude scripturaire. »
En fait, en 2006, des 100 meilleurs scores dans le plus haut niveau des examens monastiques de la Thaïlande, 97 étaient des femmes.
Humble mais charismatique
Même si il reste peu de preuves directes, des histoires sur Mme Yai Damrongthammasan ont été transmises depuis les personnes qui l’ont connu et l’ont rencontré, attestant, dit le Dr Seeger dit, de son charisme.
Et sa réussite, être capable de lire et d’écrire et sa connaissance des Écritures canoniques, étaient très rare pour une femme à cette époque. Il n’y avait qu’une seule autre femme qui écrivit en 1928 un texte similaire, mais c’était une princesse et le Dr Seeger affirme qu’il n’atteint pas le même niveau de profondeur que ce texte.
«Nous avons cherché le manuscrit original», dit-il, mais beaucoup de choses ont été détruits dans la région où elle vécut ses dernières années.
Mme Yai Damrongthammasan n’a jamais revendiqué la « paternité » de l’ouvrage et le Dr Seeger dit que « la vraie raison pour laquelle Khunying Yai a décidé d’omettre son nom de la première édition pourrait ne jamais être connu ».
Il dit qu’il y a plusieurs possibilités: des gens peuvent avoir jugé inapproprié pour une femme de discuter de la doctrine bouddhique à un niveau si profond à cette époque, ou elle a peut-être pensé que la doctrine bouddhiste doit être indépendante d’un individu.
Elle peut aussi avoir voulu rester anonyme en raison des conversations qui se déroulaient entre un groupe de femmes qui se réunissaient régulièrement dans le temple de Wat Sattanatpariwat pour discuter du bouddhisme – mais il n’existe aucune preuve pour confirmer que les dialogues du texte sont basés sur ces rencontres.
L’histoire de la vie de Mme Yai Damrongthammasan est frappant : d’une vie de femme riche à une vie de méditation recluse. Son mari, un juge bien connu, avait été incinéré à l’un des endroits les plus prestigieux de Bangkok, mais l’enterrement de Mme Yai Damrongthammasan fut quelque chose de très simple sur une plage dans le sud de la Thaïlande.
« Il semblerait qu’elle était aussi une personne très humble et ne s’intéressant pas à se promouvoir, » dit le Dr Seeger.
Source BBC news – Face Book merci à Linda – traduction Bouddhisme au feminin