L’Effort Juste fait partie de l’Octuple Sentier Noble du Bouddha. Traditionnellement, l’Effort Juste signifie une application courageuse de notre énergie vers une conscience intégrale.
J’ai toujours pensé que le concept même d’Effort Juste est un merveilleux exemple de la vision profonde que recèlent les enseignements du Bouddha. L’Effort Juste est simplement une reconnaissance de la souffrance conditionnée qui est manifeste dans beaucoup de pensées que nous entretenons à notre propre sujet, et c’est aussi une promesse que, si nous choisissons de persévérer, nous transformerons nos vies.
Quand nous entendons le mot effort, nous pouvons penser : « Oh quel fardeau ! toujours faire un effort, instant après instant ». Mais, en réalité, l’Effort Juste est notre plus grande bénédiction, parce qu’il est orienté vers notre potentiel extraordinaire de libération et de changement, dont chacun(e) est capable.
Mon Maitre Munindra me dit gentiment alors que j’étais au commencement de ma pratique : « L’illumination du Bouddha a résolu le problème du Bouddha ; maintenant, résolvez le vôtre ». J’ai trouvé que c’était là la déclaration la plus inspirante, parce qu’elle sous-entendait que je pouvais en fait résoudre mon propre problème. Les enseignements du Bouddha disent que personne d’autre ne nous libérera en souffrant pour nous et que personne n’a besoin de le faire, parce que nous pouvons très bien le faire nous-mêmes. C’est notre propre effort qui donne vie à ce potentiel.
L’effort est une volonté spontanée de persévérer à travers les difficultés. Ce n’est pas un effort, dur épuisant, désespéré, mais plutôt un souvenir ardent et sans réserve de notre aptitude à la liberté.
Voir la douleur
Mon expérience prédominante, quand j’ai pratiqué pour la première fois la méditation, ce fut la douleur physique. Non seulement, je n’avais jamais médité auparavant, mais je n’avais jamais non plus été capable de m’asseoir jambes croisées. ()
A chaque fois que la douleur se faisait sentir, je changeais de position. Je bougeais au premier élancement faiblement douloureux en réaction à certaines pensées qui apparaissaient dans mon esprit : « Oh non, je vais ressentir la même douleur toute la journée », ou « je ne serai pas capable de tenir jusqu’a à la fin d’une session de méditation assise ».
Je supposais que ce que j’éprouvais en ce moment n’allait faire qu’empirer, mes craintes de l’avenir rendaient la souffrance insupportable.
Pour couronner le tout, j’ajoutais des comparaisons entre mon expérience et ce que j’imaginais au sujet de ce que pouvaient éprouver les autres méditants. « Aucun ne souffre comme moi ». Je croyais que tous les autres jouissaient d’une méditation agréable et positive.
Ces pensées ne tardèrent pas à se fondre dans une image négative de moi-même : « si tu étais spirituellement avancée, il y aurait une libre circulation d’énergie dans tout ton corps ».
Je finis par réaliser que j’avais eu le même genre de réactions conditionnées à chaque expérience déplaisante physique ou mentale — je voulais m’en éloigner et je me jugeais négativement pour l’avoir eue. Cette dynamique se déroulait dans mon mental, inobservée.
La pratique de la méditation est un instrument puissant pour révéler nos réactions conditionnées à des expériences déplaisantes, nous permettant d’aller profondément en elles. Nous ouvrir à des expériences douloureuse ne signifie pas une acceptation passive de la douleur. Nous apprenons plutôt à aller au coeur de chaque moment de l’expérience, même si elle est douloureuse, parce que là, clairement, dans le conditionnement, nous découvrons notre vie.
Rejeter ce qui est déplaisant, projeter la douleur dans le futur, se sentir submergé par elle, les interprétations que nous y ajoutons, tout cela nous empêche d’avoir une relation directe et intime avec ce que nous éprouvons réellement.
En la voyant clairement, au lieu de s’enfuir devant elle, ou de nous juger par rapport à elle, nous devenons capables d’établir une relation radicalement nouvelle avec elle. Nous pouvons lâcher prise à notre peur de la douleur et nous trouver nous-mêmes.
Ne soyez pas paresseux
Bien qu’elle mesurât à peine 1,60 m et qu’elle fût de santé fragile, Dipa Ma avait une énergie prodigieuse. Je me souviens d’elle comme d’un guerrier dynamique dans la pratique, et d’un maitre très exigeant. Quand Joseph Goldstein et moi vînmes la voir en Inde peu de temps avant sa mort, elle proposa que nous nous asseyions en méditation pendant deux jours. Elle ne voulait pas dire une retraite de deux jours, mais deux jours de méditation non-stop ! Nous pensions tous deux que nous ne pourrions pas faire cela (et je me demande si elle pensait réellement que nous en étions capables). Comme nous commencions à protester, elle dit simplement : « Ne soyez pas paresseux. »
J’entends encore sa voix qui me chuchotait d’être plus large pour trouver ce dont je suis réellement capable, spécialement quand je me sens limitée quant à la quantité d’amour et de compassion que je peux éveiller.
Comme pour nous tous, ma capacité d’amour, de sollicitude aimante excède de loin mes idées sur mes capacités à ce sujet. Quand je me trouve hésitante, n’allant pas de l’avant pour manifester la connexion dont je suis capable, je vois l’image de Dipa Ma, ouvrant les yeux et bénissant quelqu’un, ou offrant à un ami de l’argent pour qu’il achète un cadeau pour sa mère, ou je l’entends me dire « ne soyez pas paresseuse ». Alors je vais de l’avant.
Extrait de l’ouvrage : « Un coeur Vaste comme le monde«
Plus sur Sharon Salzberg