Je voudrais commencer cet article avec une série de questions qui vous aideront à mettre le sous-titre de mon exposé dans son contexte. Prenez, s’il vous plaît, un moment pour réfléchir à ces questions … et ne soyez pas trop inquiets si vous vous trouvez en train de répondre«non» à la plupart d’entre elles.
- Saviez-vous que Bodhidharma, le moine indien qui est dit avoir apporté le zen en Chine, avait une femme parmi ses héritiers du Dharma (Zongchi)?
- Saviez-vous qu’il y avait des femmes maîtres Zen dans la dynastie des Song qui étaient abbés de monastères et/ou célébrées pour la maitrise de leurs enseignements (Moshan Liaoran, Miaoxin) ?
- Saviez-vous que Dogen Zengi, le fondateur du Zen Soto, a écrit un texte (Raihaitokuzui) dans lequel il préconise fortement que les hommes et les femmes soient égaux dans leurs capacités à étudier et à enseigner le Dharma? Et que Dogen avait des disciples femmes?
- Saviez-vous que Keizan Zengi, héritier du dharma du successeur de Dogen Zengi, avait une héritière du Dharma et a fortement soutenu l’égalité des femmes et des hommes dans la pratique du Zen ?
- Saviez-vous qu’il y a un document de la lignée de plus de 80 ancêtres bouddhistes zen féminins, débutant avec Mahapajapati, dont les noms sont récités sur une base régulière dans des centres Zen en Occident?
Je peux imaginer que certaines de ces informations sont nouvelles pour vous. Mais ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas les seules. Pour la grande majorité des femmes et des hommes à qui je les ai posées, et beaucoup d’entre eux pratiquent le Zen, cette information est étonnamment nouvelle. Passée la surprise, peut-être remarquerez-vous un sentiment de curiosité pour en savoir plus. C’est plutôt comme découvrir que vous aviez beaucoup ancêtres intéressants dans l’histoire de votre famille et que vous n’en saviez rien.
Même aujourd’hui, une introduction générale du Zen se cantonne à une tradition formée par une lignée monastique masculine dans laquelle les femmes, lorsqu’elles sont même mentionnées, ne sont décrites qu’en relation aux hommes plutôt que dans leur propre histoire et pour leurs propres réalisations. Cela répète la désinformation héritée et non mise en question résultant d’une discrimination et d’une politique d’exclusion qui ont cherché à marginaliser les femmes et/ou les réduire à des caricatures qui avilissent à la fois les hommes et les femmes dans leur uni-dimensionnalité.
L’histoire des femmes dans le Zen ainsi que la vie et les enseignements de maîtres féminins Zen du passé est devenu plus connue au cours des trente dernières années grâce au résultat d’une recherche universitaire, de la disponibilité de traduction de textes en langues asiatiques, et à l’intérêt actif de maîtres zen contemporains, femmes et hommes ainsi que leurs sanghas pour en savoir plus sur le rôle des femmes dans l’histoire du zen. Cette exhumation de matériel jusqu’ici largement inconnu (sauf chez un petit groupe d’universitaires) a eu des conséquences non seulement pour une révision de l’histoire du Zen, mais aussi pour le développement du Zen en Occident.
Le 8 octobre 2010, un événement historique dans l’histoire du Zen occidental s’est produite. Ce jour-là, l’Association Zen Soto bouddhiste d’Amérique a annoncé la ratification du document sur les femmes Ancêtres du Zen. Dans un article paru dans Bouddhadharma, un magazine bouddhiste publié aux États-Unis, Grace Schireson Roshi, qui est l’une des principaux maîtres zen impliquées dans la parution du document ainsi que l’auteure d’un livre essentiel appelé Women Zen, note: » Après des années de discussion et de recherche érudites, les ancêtres féminins, remontant à 2500 années d’histoire de l’Inde, de la Chine et du Japon, peuvent maintenant être inclus dans le curriculum, le rituel et la formation offerts aux étudiants zen occidentaux. » Depuis la publication de ce document, ainsi que d’autres documents publiés durant ces trois dernières décennies, l’intérêt pour intégrer les histoires et les enseignements des femmes maîtres zen du passé a grandi. Pour beaucoup de pratiquants du zen, cela a été comme si une branche depuis longtemps perdue de leur propre famille avait été re-découverte.
Il existe plusieurs représentations visuelles du document sur les Ancêtres femmes du Zen. Celui représenté ici est le travail de l’artiste Barbara Cooper pour le Cercle Zen Salt Spring, dont le professeur, Peter Levitt, a joué un rôle dans la création de celui-ci, rejoignant Grace Schireson Roshi et d’autres membres de la SZBA. ../
Ce document sur les femmes ancêtres est né d’un appel pressant pour un changement et en raison d’un sentiment d’injustice face à l’absence de figures de femmes dans l’histoire du Zen Soto tel qu’il est enseigné en Occident. Sa création est un exemple de la façon dont l’histoire est ajustée pour plus de précision à la lumière d’un système de valeurs qui honore la contribution des femmes. Ce document incarne une nouvelle histoire pour le Zen, une histoire qui inclut les femmes. Il incarne aussi la façon dont l’histoire change.
En 2007 Percy Rowan, une des étudiantes de Peter Levitt devait participer à Jukai, la cérémonie de réception des préceptes zen. Alors qu’elle préparait la liste des noms des Patriarches dans la tradition Zen Soto de sa sangha, remontant à plus de 80 générations, elle devint douloureusement consciente que tous les noms étaient masculins. Elle alla voir son enseignant qui lui répondit : «Je n’y avais pas pensé », alors qu’il prenait soudain conscience de l’omission flagrante des femmes de la lignée. Levitt commençà à faire des recherches pour créer une lignee de matriarches du Zen pour sa sangha, similaire à la lignée des patriarches. Dans le même temps, dans le monde du Zen en général, un mouvement était en cours depuis un certain temps, mené par Schireson Roshi et d’autres membres de la SZBA, et l’élan généré a finalement abouti au document ratifié en 2010.
L’importance du document est résumée par Fowles comme suit:
« Le bouddhisme est, bien sûr, une tradition qui s’efforce de mettre fin à la souffrance, mais se préoccuper de la souffrance provoquée par les stéréotypes de genre, par des récits restrictifs et des coutumes discriminatoires est relativement nouvelle, au moins dans le discours public. Comment la vie des femmes a été marginalisée du récit bouddhiste est encore en train d’être découvert, reconnu et réparé. Et ceci depuis très peu de temps.
Dans ce contexte, il est clair que le document de la lignée des femmes, tout comme la lignée d’hommes, n’est pas seulement un récapitulatif de noms. Il tisse un récit important qui positionne les femmes pour la première fois dans l’histoire du Zen en tant que membres à part entière de la communauté bouddhiste et, pour la première fois, inclut les histoires de femmes comme des parties intégrantes de la narration zen. Il est, à sa manière, un pas de plus dans la reconnaissance des femmes en tant que participantes à part entière de l’histoire humaine. »
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Le document de la lignée des ancêtres joue un rôle central dans le Zen. Dans l’ordination Jukai, quand une personne reçoit les préceptes, elle signe de son propre nom à la fin de la liste des ancêtres du dharma dans sa propre tradition. (La liste ne comprenait alors que les noms masculins). Le nom de ce document de la lignée en japonais est Kechimyaku. ../
Quand j’ai ajouté mon nom sur le Kechimyaku que j’ai reçu lors de ma cérémonie Jukai en 1988, cela a été un moment fort pour moi car je sentais une connexion viscérale remonter au Bouddha lui-même. J’ai eu un sentiment encore plus fort plusieurs années plus tard, lorsque Catherine Genno Pages a reçu la transmission de son maitre Genpo Merzel Roshi. L’élément clé de la cérémonie eut lieu à minuit dans une salle couverte de tissu rouge sang au-dessus du zendo où nous étions assis. Taizan Maezumi Roshi, le fondateur du Centre Zen de Los Angeles, de la White Plum Sangha et maitre de Genpo Roshi était assis avec nous en Zazen dans le Zendo, en dessous de la salle de transmission. Mon expérience de la lignée fut chamanique: grâce à la puissance de la foi que la présence de Maezumi Roshi contribuait à éveiller en moi, c’était comme si les ancêtres étaient là et, ensemble, nous témoignions de tout ce qui se déroulait.
J’ai commencé à m’intéresser au thème des femmes dans le zen plusieurs années après avoir commencé à pratiquer en 1979. Je me suis lancée dans la pratique de Zazen avec vigueur. L’enseignant qui dirigeait le zendo où je pratiquais était un maître japonais d’une tradition de famille de samouraï. Bien que je pensai être forte, les sessions de 45 minutes d’assise séparées par de périodes de courte kinhin, aucune instruction, excepté de s’asseoir droit et de tenir les mains dans le mudra de Zen, avec des réprimandes aboyées si on remuait un sourcil, m’ont amené au bout de mes forces. Mais j’ai continué et j’étais déterminée à survivre. J’utilise le mot «survivre » consciemment. Tout le monde dans cette sangha pensait que c’était du «vrai» Zen, et ceux qui le pensaient pas partaient rapidement.
Pendant longtemps, dans les premières années du Zen en Occident, ce style «marche-ou-crève » était la règle. Bien sûr, il y avait des exceptions. Néanmoins, le Zen a acquis l’image d’une pratique dure qui n’était pas pour les coeurs faibles. Les étudiantes et les étudiants étaient continuellement exposés à ce qu’on a appelé le Zen «Macho», où le pratiquant zen idéal imitait les héros des Koans, des «durs» comme Bodhidharma, Rinzai, Tokusan ou Ummon. Même aujourd’hui, quand les gens découvrent que je suis une enseignante zen, le premier commentaire et la première question sont souvent les suivants:
1) le Zen est si strict, et 2) Frappez-vous les gens avec un bâton?
Très souvent, ces mêmes personnes disent, après avoir participé à l’une de mes retraites, « Si j’avais su que le Zen était comme ça, je serais venu plus tôt. » « comme ça » ne veut pas dire « le zen facile , » une étiquette que j’ai souvent entendu appliquer dans les premières années à la sangha de Thich Nhat Hanh. En fait, lorsque j’ai assisté à une semaine de formation au Village des Pruniers il y a plusieurs années, j’ai été profondément touchée par le niveau d’engagement et le désir sincère de pratiquer les préceptes à la fois parmi ses monastiques et les laïcs. Ma visite m’a également permis de confirmer ce que j’en étais depuis longtemps venue à croire et à intégrer dans mon propre enseignement: une forme dure comme celle que j’ai connue au début n’est pas l’incarnation du «vrai» Zen, mais une expression culturelle d’un sous-groupe qui a été prise pour représenter l’ensemble de la tradition.
La conviction que nous avions alors de suivre le «vrai Zen» a conduit à une immersion inconditionnelle et à l’attachement à toutes les formes de pratique du zen japonais. Nous portions des robes noires, nous récitions les sutras en japonais, et nous adoptions les manières qui faisaient partie de la culture masculine du zen japonais. Et, comme c’est le cas lorsque des gens se convertissent à une autre religion, nous avions tendance à résister à l’innovation ou à des aménagements, en particulier à tout ce qui semblait être de «l’occidentalisation». J’ai rencontré de nombreux étudiants zen occidentaux qui étaient plus «traditionnels» et donc pratiquaient un zen patriarcal «héroïque», un Zen que les jeunes moines japonais qui visitaient notre sangha regardaient d’un air perplexe en nous regardant lutter avec les formes.
Un autre rituel du Zen japonais traditionnel qui a été importé dans le Zen occidental était la récitation en groupe du document de la lignée Zen en japonais. J’étais fière d’avoir le bon rythme en disant les noms correctement. Il me fallut pas mal d’années de pratique avant que je me demande : « Où sont les femmes? » Une fois que j’ai commencé à me le demander, la question ne m’a pas lâché. Et bien que ce ne fut pas facile à demander, je suis reconnaissante aujourd’hui de ne pas avoir cessé de la poser, même quand je rencontrais la plupart du temps des regards vides dans ma propre sangha et dans certains cas un mépris flagrant pour non seulement l’histoire, mais pour l’intégrité des pratiquantes.
Au début des années 1980, il n’y avait que de petites poches de zen où le sujet des femmes et du Zen était même un thème. Jusqu’à tout récemment, en fait, la présentation des femmes dans le Zen a été limitée à quelques protagonistes, pour la plupart anonymes dans les grandes collections de koan, Grace Schireson écrit:
«La littérature Zen classique contient presque exclusivement des maîtres masculins … Ce que nous apprenons de la littérature classique du Zen est avec emphase que tous les maîtres zen sont héroïques. ../ Les femmes représentées dans la littérature classique du Zen apparaissent comme les hommes, dans le rôle unidimensionnel du héros masculin… les femmes contemporaines qui découvrent ces femmes dans la littérature classique du Zen peuvent trouver ces portraits macho pas très attrayants… Combien de femmes contemporaines souhaitent vraiment se transformer en clones féminins de maîtres zen hommes? « ../
La présence de la discrimination entre les sexes au sein du bouddhisme lui-même a été un thème de recherche universitaire ainsi que la discussion générale parmi les sanghas occidentales depuis plusieurs décennies. Pour commencer, la discussion a porté beaucoup autour de la restauration de l’ordination complète de nonnes bouddhistes, tant dans le theravada que dans les traditions tibétaines. Le thème de l’égalité dans la pratique du Zen n’a été discutée dans un cadre plus large au-delà du milieu universitaire qu’après certains événements survenus dans les années 1980.
Il y avait plusieurs raisons pour lesquelles cette discussion n’avait pas lieu. Peut-être l’une des plus difficiles à déconstruire est l’accent mis dans le Zen sur l’enseignement de l’Un. Schireson raconte l’histoire suivante à propos de ce dilemme:
À un enseignant masculin revenant d’une conférence nord-américaine des maîtres zen, l’une de ses étudiantes lui demanda, « Combien de femmes enseignantes étaient incluses dans cette conférence? L’enseignant masculin a répondu «Nous étions tous des femmes.» Un long silence troublé suivit… «
Il m’a fallu vingt années de mes plus de 40 années de pratique du Zen pour aller au-delà de cette intimidation par le « Un » (« Nous sommes tous des femmes »), une réponse que les enseignants Zen utilisent pour éviter de regarder en face la possibilité qu’il y ait, à l’intérieur du zen, une discrimination entre les sexes.
Dans les livres comme Buddhism after Patriarchy de Rita Gross et The power of Denial, Buddhism, Purity and Gender du professeur Bernard Faure (ce livre écrit en anglais par un auteur français n’est pas traduit), il y a des discussions franches et interpellantes concernant la position plutôt naïve que «tout est Un. » Parmi les pratiquants du zen et la communauté bouddhiste en particulier, il y avait (et il y a toujours) une profonde réticence à regarder tous les thèmes qui compromettent les enseignements absolus dans le Zen, et ceci est aussi vrai pour les femmes que pour les hommes, même si, comme le montre l’histoire ci-dessus, des femmes ont commencé à sentir la dissonance entre les enseignements soi-disant libres de préjugés de sexe et les réalités de l’exclusion et de la soumission.
Fowles écrit sur le thème de l’égalité dans le bouddhisme comme suit:
« Le Bouddhisme Zen considère que du point de vue de l’unité de la réalité, le genre, comme tout le reste, est finalement une catégorie vide, quelque chose sans existence inhérente. Mais alors se présente un problème déconcertant: si le genre est vide, comment quelqu’un peut-il être victime de discrimination sur la base de celui-ci ? Beaucoup sont venus à voir cela comme une contradiction ironique et injuste. »
Elle poursuit en notant:
« Comme si réveillées d’un rêve, les pratiquantes ont commencé à se demander, »Où sont les femmes? « Au début, quelques textes non canoniques … existaient en traduction anglaise. Ce manque a été aggravé par ce que Rita Gross appelle une «préférence pour les héros masculins» et des archives androcentriques qui ont été largement diffusées dans l’érudition occidentale. Ce préjugé parmi les érudits modernes a perpétué et augmenté la polarisation masculine profondément ancrée que l’histoire a si longtemps maintenu en place.
Nous savons à quel point les modèles sont importants pour le développement d’une personne, en particulier dans ses années de formation. Pour de nombreuses femmes et d’hommes dans les premières années du Zen en Occident, le conditionnement culturel était si fort que beaucoup d’entre nous ne réalisaient même pas que des femmes ancêtres manquaient comme modèles. En raison de l’accent mis sur l’expérience du kensho de l’Un, ainsi que les enseignements sur la vacuité, il était considéré comme une compréhension erronée de penser en termes de différences. Peu importe combien de fois nous avons récité le Sutra de l’identité de l’Absolu et du Relatif, qui a été écrit par Keizan Zengi, l’un des plus fervents partisans des femmes dans le Zen à l’époque médiévale et qui a transmis aux femmes, il y avait une peur de parler, peur de la différence trahissant l’Unité. Dans le monde du Zen, c’était et ça demeure politiquement incorrect.
La différence flagrante entre l’idéal et la réalité dans la communauté Zen occidentale aux Etats-Unis a commencé à devenir apparente en 1983, alors que des révélations impliquant des abus sexuels, financiers et de pouvoir par des enseignants à la tête de grandes sanghas Zen américaines ont éclaté et ont envoyé des ondes de choc à travers la communauté zen occidentale. Ces révélations et les discussions qui ont émergé sont devenus l’un des principaux catalyseurs pour questionner la différence entre les représentations idéalisées de la pratique du Zen et l’incarnation réelle dans la vie quotidienne. Alors que plusieurs scandales apparaissaient aussi dans la tradition du Zen coréen ainsi que dans les traditions tibétaines, des femmes bouddhistes, y compris des femmes enseignantes du zen, ainsi que des enseignants et des chercheurs masculins qui les soutenaient, ont commencé à se rencontrer pour discuter le thème des femmes dans Bouddhisme.
Un peu plus tôt auparavant, en 1979, les femmes appartenant à la Diamond Sangha de Robert et Anne Aitken à Hawaii, ont commencé à publier, avec l’encouragement de leurs enseignants, un journal appelé kahawai: Journal de la femme et du zen. Il comprenait des articles par les femmes contemporaines sur leur pratique, ainsi que des traductions en anglais de koans chinois et japonais comportant des histoires de femmes qui n’étaient pas disponibles auparavant. Susan Murcott, l’une des rédactrices, a fait par la suite paraitre un ouvrage précurseur sur les femmes dans le bouddhisme qui présentait des traductions modernisées des poèmes de l’illumination des premières nonnes bouddhistes, appelés le Therigatha. D’autres traductions et des textes de Joan Sutherland, aujourd’hui Roshi et commentatrice éloquente des koans sont également apparues.
Un troisième événement important dans le domaine des femmes et du Zen est la controverse impliquant la transmission d’enseigner donnée à Maurine Myo-on Stuart Roshi par son maitre Rinzai Soen Nagagawa Roshi, qui exerça une influence importante sur le Zen en Amérique. Selon sa biographie publiée sur Wikipedia :
« Maurine Myo-on Stuart était une enseignant du Rinzai zen et héritière du Dharma de Soen Nakagawa, même si elle n’a jamais eu la cérémonie officielle de la transmission du Dharma avec lui. Au contraire, il l’a reconnue en privé comme enseignante lors d’une cérémonie informelle tenue en 1982. Nakagawa, qui avait donné la transmission du Dharma précédemment à cinq personnes (tous des hommes), a accordé ce titre à Stuart au mépris des conventions. Cependant, alors qu’elle avait accepté le titre de Roshi, elle n’a jamais déclaré être héritière du Dharma ou de la lignée. «
Bien que je ne ai jamais rencontré Stuart Roshi, je ai été profondément touchée par ses enseignements, rassemblés dans un livre intitulé Subtle Sound. Ailleurs, elle traite de la difficulté qu’elle a dû affronter d’ être habilitée par son maitre tout en n’en recevant aucun des signes extérieurs officiels. Clairement, Soen Nagagawa a été pris entre le marteau et l’enclume dans la mesure où son propre conditionnement japonais et les héritiers du dharma de sexe masculin étaient concernés. Mais Stuart Roshi a relevé le défi et portait la robe et le bol. Un certain nombre de femmes occidentales, enseignantes dans le zen, disent avoir été profondément inspirées par Stuart Roshi pour avoir eu le courage d’affirmer son autorité en tant que maître zen bien que Nagagawa Roshi n’ait fourni aucune confirmation de sa transmission privée et que certains des ses autres héritiers du dharma, des japonais, aient refusé de reconnaître sa transmission.
Les femmes dans le Zen: Façonner l’avenir du Zen occidental
Quelles sont les leçons à tirer des ancêtres femmes pour le développement du Zen en Occident? Comment le zen occidental est-il aujourd’hui influencé par la forte participation des femmes contemporaines ?
J’aimerais présenter brièvement certains aspects de ces thèmes:
– Mettre l’accent sur la communauté plutôt que sur la hiérarchie dans les sanghas. Les femmes ont joué un rôle important dans la réorganisation des communautés Zen selon des aspects plus démocratiques et participatifs, en mettant l’accent sur le renforcement du sens de la sangha en tant que communauté. Un exemple frappant est la réorganisation du Centre Zen de Los Angeles à partir de 1996 par Wendy Egyoku Nakao Roshi pour y inclure la gouvernance par des cercles de conseil et et dont les membres s’impliquent beaucoup plus dans des activités organisationnelles et pédagogiques. Elle écrit ce qui suit à propos du moment suivant son retour au ZCLA quand elle le reprit après qu’un autre scandale d’abus sexuels ait secoué le centre:
« Les relations dans la Sangha étaient très faibles, en partie parce que tout le monde était obsédé par l’enseignant. Nous ne savions pas comment se rencontrer tous ensemble … Alors j’ai demandé à la Sangha de s’asseoir en cercle. Je me suis assise dans le cercle comme tout le monde. Lorsque nous sommes assis en cercle, il y a un aplatissement de la hiérarchie. Tout le monde s’entend, et tout le monde se rend compte de l’énorme sagesse et de la compassion inhérente à chaque personne, et pas seulement l’enseignant. Nous avons appris que notre diversité ne est pas un problème, c’est notre force. »
La dévaluation du modèle du Héro Zen
Il y a eu une remise en question et une refonte du modèle de ce que signifie pratiquer le Zen. La représentation du pratiquant modèle du Zen comme quelqu’un avec des qualités héroïques « viriles » a été reconnue comme dommageable à la fois pour les hommes et pour les femmes.
Pour les femmes en particulier, la présentation de modèles de femmes a donné un grand élan par la publication récente de trois livres importants sur les femmes dans le bouddhisme.
La première a été la publication du livre de Sallie Tisdale en 2006 : Women of the Way. Découverte de 2500 années de sagesse bouddhiste de femmes. L’introduction de son livre est provocatrice, en particulier sa discussion sur le genre et le karma, et a été une forte source d’inspiration pour Peter Levitt alors qu’il travaillait pour créer le document de la lignée de femmes pour sa sangha.
Un autre livre publié en 2013 est appelé The Hidden Lamp: Histoires de vingt-cinq siècles de femmes éveillées.
Ce livre, qui est un recueil d’histoires et de koans du temps du Bouddha à nos jours, présente une femme à chaque chapitre. Des Koans des grandes collections comme la Porte sans porte et le Recueil de la falaise bleue sont inclus, mais aussi beaucoup d’autres qui ne sont pas connus. Chaque koan est commenté par une enseignante bouddhiste contemporaines (Beaucoup, mais pas toutes des enseignantes Zen) d’une manière fraîche et profondément personnelle. Dans une interview que j’ai menée avec les éditrices Florence Caplow et Susan Moon, deux pratiquantes zen de longue date et l’une d’elles enseigne, elles m’ont dit qu’elles ont demandé spécifiquement aux femmes enseignantes d’écrire sur leur propre pratique personnelle dans leur commentaire sur les koans. Elles ont estimé que ce serait plus utile aux lectrices ainsi qu’aux lecteurs.
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Un troisième livre important publié en 2009 est appelé Zen Women, Beyond Tea Ladies, Iron Maidens and Macho Masters de Myoan Grâce Schireson, Roshi. Le sous-titre de ce livre se réfère à la façon dont la plupart des gens voyaient les femmes du passé dans le Zen. Souvent présentées comme des femmes sans nom dans la littérature des koans, ou des héroïnes remarquées pour incarner des qualités masculines, les ancêtres femmes du Zen ont été marginalisés et réduites à des caricatures en étant présentées comme des stéréotypes. Cet ouvrage est important car il présente avec érudition, passion et un oeil acéré l’histoire complète des femmes dans le Zen. Schireson replace la participation équilibrée des femmes et leur présence dans l’histoire zen, non par une reconnaissance symbolique, mais par des traits vivants qui reflètent des faits historiques.
La restauration des émotions comme un champ de pratique plutôt que d’être considérées comme des obstacles
L’image d’un maître zen comme un solide modèle masculin héroïque se traduit souvent par la répression des émotions et a abouti à ce que Grace Schireson a appelé le « zombie zen. » Le «solitaire silencieux» des Maîtres Zen comme un modèle de comportement idéal inflige des dégâts à la fois chez les femmes et chez les hommes. La présence plus visible des femmes dans le Zen a eu pour conséquence l’inclusion de la gamme des émotions humaines (y compris la colère, la peur, le chagrin, la joie et la vitalité) comme un champ riche pour la pratique. Joko Beck, héritière du dharma de Maezumi Roshi, a été une pionnière dans ce domaine. L’une de ses héritières du Dharma, Barry Magid, psychanalyste et maître zen, a écrit au sujet de l’inclusion de Joko Beck des émotions dans la pratique du Zen comme suit:
« Il n’est pas trop de dire que Joko Beck a transformé la nature du Zen en Amérique. À une époque où l’accent sur les expériences de kensho et d’illumination selon la manière dont nous avions imaginé nos maîtres japonais conduisait à une attitude méprisante vis-à-vis des problèmes qui étaient «simplement» psychologiques. Joko a restauré un sentiment de réalité émotionnelle à une pratique… [dans laquelle il y avait] une tendance profondément enracinée à enchâsser un déni émotionnel au cœur même de la formation zen traditionnelle.
Grace Schireson dit que son étude des ancêtres femmes du Zen a révélé que le non-évitement de l’émotion, la volonté d’être avec ce qui est d’une manière qui ouvre le cœur plutôt que de le fermer, a eu une influence importante sur sa pratique du Zen:
« L’enseignement de femmes dans le Zen déplore la perte d’êtres chers et exalte la beauté de la vie. Peu importe si, dans leur pratique profonde, leur cœur humain est exposé. Ceci est un enseignement merveilleusement vivant pour les bouddhistes occidentaux, dont la plupart pratiquent au milieu de leur famille, au travail et dans leur communauté, plutôt que dans des milieux monastiques silencieux. Apprendre des ancêtres du Zen et comment elles ont exprimé la pratique dans leur famille, dans l’art et dans la communauté peut être une source abondante d’inspiration pour les Occidentaux ». ../
Il est important de noter que l’absorption des stéréotypes et leur perpétuation dans les communautés occidentales du Zen n’a pas été, dans la plupart des cas, quelque chose de délibéré. C’est tout simplement ce qui se passe quand les idées se transmettent de génération en génération et ne sont pas questionnées. En fait, les femmes et les hommes dans le zen ont subi cette absorption inconsciente de stéréotypes. Ironiquement triste mais vrai néanmoins, Mary Fowles note:
« Pendant des siècles, l’invisibilité des femmes a non seulement été acceptée, elle est passée inaperçue, même des femmes « .
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Qu’est-ce que la maturité spirituelle et comment se manifeste-t-elle dans le zen?
Dans une tradition Zen qui a été en grande partie construite à partir du point de vue masculin, il a été mis l’accent sur la réalisation d’états spirituels, en passant des koans comme si c’était des examens, et ainsi d’atteindre un certain rang. Expérimenter le Kensho était la première étape, et on lit beaucoup de témoignages sur la douleur des pratiquants qui n’y étaient pas parvenus. Si l’on peut supposer que c’était une douleur spirituelle, en fait, atteindre le Kensho ou achever l’étude des koans était considéré comme le passeport nécessaire pour atteindre une position de privilège dans le contexte où l’on pratiquait. Idéalement, la position que l’on avait dans le monastère ou le centre zen et le niveau de réalisation devaient correspondre ; souvent, ce n’était pas le cas.
L’une des influences que les femmes ont eu dans la pratique moderne du Zen est de mettre l’accent sur la façon dont on incarne sa pratique dans les activités quotidiennes. Mais cette compréhension n’est pas basée sur une image idéale absolue qui serait noire ou blanche et vouée à mener à la désillusion. Il s’agit plutôt d’une compréhension plus fluide du fait que le développement dans le Zen est un processus et que le chemin de la maturité n’est pas une ligne droite, mais plutôt qui peut être par moment rocailleux et à d’autres moments plus en douceur. En fait, une pratique zen de maturité spirituelle intègre ces situations comme des étapes sur le chemin, plutôt que de les éviter ou de les contourner.
Le trésor de la Sangha
La pratique des femmes souligne l’enrichissement de la communauté. Bien que le modèle des Trois Trésors (Bouddha, Dharma et Sangha) soit un enseignement important dans le Zen, jusqu’à ce que les femmes aient commencé à être plus présentes dans les postes d’enseignement en Occident, le sens de la Sangha en tant qu’harmonie a été généralement minimisé.
L’accent mis sur la Sangha comme un trésor est l’un des aspects les plus stimulants de l’apport du Zen hors de la salle de méditation et dans la vie quotidienne. On parle beaucoup de l’intégration du zen dans la vie quotidienne, mais en fait, la réalité est bien loin de l’idéal. …/
Un corps humain (et de femme) est précieux
Il y a ces lignes d’un enseignement tibétain qui me touchent profondément depuis que je les ai entendues:
corps humain précieux,
libre et bien favorisé
Difficile à obtenir,
facile à perdre,
maintenant, je dois faire quelque chose d’utile.
Cet enseignement bouddhiste Vajrayana se réfère à la difficulté – et à la chance – d’être né dans un corps humain. En tant que membre de la sphère humaine, une personne a la capacité de pratiquer le dharma et de parvenir à la libération. Tout au long de l’histoire du bouddhisme, cependant, posséder un corps de femme n’était pas un cadeau, mais une malédiction. Selon certains textes bouddhistes classiques, quelqu’un ne peut pas parvenir à la libération dans le corps d’une femme. D’autres textes peignent la femme comme lubrique, comme tentatrice sexuelle, comme inférieure en capacité mentale et impure. Certaines cultures bouddhistes incluent des prières dans lesquelles les femmes ont appris à prier pour renaitre dans un corps masculin. Le bouddhisme n’est pas unique dans ses tabous de pollution et la peur du corps et de ses processus, tels que la menstruation des femmes.
Il est particulièrement ironique, cependant, qu’une tradition dont le fondateur a confirmé expressément que tous les êtres humains ont la capacité de parvenir à la libération ait des textes misogynes ainsi que des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes et ne leur donne pas les mêmes droits que les pratiquants masculins, y compris la possibilité d’étudier le dharma.
Le corps et ses diverses expressions a été considéré dans certaines traditions bouddhistes comme quelque chose à contrôler et à transcender. Le corps humain rend particulièrement vulnérable vis à vis du désir sous diverses formes, et le déni ainsi que la transcendance ont été considérés comme des moyens pour lutter efficacement contre ce qui a été regardé comme un obstacle à la réalisation spirituelle la plus élevée.
Les femmes occidentales modernes dans les traditions bouddhistes, y compris le Zen, ne voient pas le corps comme un obstacle à la pratique. Aussi, dans certains textes anciens dès les premiers jours du Zen en Chine et au Japon, nous avons des exemples de femmes pratiquantes dans leur foyer, confiantes dans leurs formes féminines. (L’histoire de Miaozong, une étudiante de Dahui, qui reçoit un moine lors d’une entrevue du dharma en étant complètement nue est exemplaire à cet égard.)
En fait, le corps est un champ du dharma à explorer, plutôt qu’à craindre, et dans lequel le dharma peut être vécu comme une réalité vivante. Dans les traditions monastiques, il y a souvent une peur de la sexualité comme une tentation, et cette émotion puissante non examinée conduit à un désir de contrôler, plus même, de supprimer. Avec la montée de la pensée féministe ainsi que le développement de la sensibilité de la femme moderne, le corps féminin a été regardé d’une manière nouvelle. Sous l’influence des femmes occidentales, le sentiment d’avoir à maîtriser le corps, pour l’amener sous contrôle a été lentement remplacé par une sensibilité de tendresse et de respect envers le corps. Les arts corporels comme le Tai Chi ou le yoga ont été considérés comme plus propices à une façon douce d’aborder le corps du Dharma que les arts martiaux, qui ont longtemps été associés à la tradition guerrière du Zen. Les femmes ont commencé à accorder beaucoup plus d’attention à respecter leurs limites (et leurs organismes) plutôt que de les pousser au-delà.
De cette façon, le sentiment d’avoir un corps en général et le corps d’une femme en particulier est passé d’une malédiction à un champ de pratique et d’exploration du dharma. Plutôt que d’essayer d’aller au-delà de la réalité physique d’avoir un corps, le corps est considéré comme le véhicule de l’illumination, comme un conteneur physique pour tous les processus de la vie.
Friedman et Moon dans leur livre Being Bodies: Buddhist Women on the Paradox of Embodiment ont écrit :
« Nous passons notre vie dans un corps, et si nous réalisons ce que nous appelons « l’illumination », c’est dans notre corps… Nous voulions répondre à une tendance que nous avons observée chez les chercheurs spirituels à laisser le corps en arrière. De notre étude du Dharma nous savons bien que le corps n’est pas la vérité ultime, et l’attachement qu’on lui porte cause des souffrances. Cependant, nous ne sautons pas tout simplement dans le domaine de l’Absolu. Nous disons que l’Absolu est ici, incarné dans chaque instant, quand nous respirons, quand nous transpirons, quand nous saignons, quand nous sentons le désir. Même à ce moment là? Nous disons, oui, même à ce moment là. Il n’en existe aucun autre.
Comme je termine cet article, je tiens à souligner que la restitution des ancêtres femmes du Zen à leur juste place dans la pratique du zen contemporain, ainsi que les influences que nous pouvons tirer de leur vie comme des modèles ne signifie pas une exclusion. Il n’est pas question de minimiser ou d’exclure le rôle des hommes dans le zen, ni de dénigrer le riche patrimoine qui nous a été transmis jusqu’à présent. Un modèle exclusif n’est jamais utile, ni fructueux. Il s’agit plutôt d’agrandir le conteneur pour élargir l’espace afin d’offrir des richesses qui nourriront tout le monde, homme ou femme.
Il est vrai que toutes les innovations nécessitent un temps de réglage. Sallie Tisdale décrit ce processus pour sa Sangha comme ils/elles ont commencé tous les deux jours à alterner la récitation des lignées masculines et féminines du Zen:
« Dire les noms des femmes à voix haute à la place des noms traditionnels était inconfortable au début. Un certain nombre de femmes ressentirent une vague de ressentiment qui voulait se libérer. Un certain nombre d’hommes se sentirent soudain plongés dans l’exclusion et le rejet. Peu à peu notre façon de faire s’est ajusté. C’est devenu habituel maintenant, et pour les nouveaux arrivants, c’est la façon normale, une partie de ce que signifie la pratique bouddhiste. Nous pouvons avancer vers la résolution d’un problème, parfois en créant un espace plus grand que l’espace qui lui a donné naissance – un monde plus grand. »
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Contact: LindaLehrhaupt@aol.com
Ce texte a été présenté lors d’une conférence « Zen in the West » à Lasalle Haus en Suisse en Juillet 2014 –
Traduction Bouddhisme au féminin