Marie de Hennezel est née le 5 août 1946 à Lyon. Elle est la cinquième d’une famille de onze enfants. Elle a trois enfants, et quatre petits enfants.
Après avoir fait des études de langues et enseigné l’anglais aux élèves du secondaire ; elle est retournée à l’université pour y achever un DESS de psychologie clinique et un DEA de psychanalyse.
Sa carrière de psychologue commence en 1975. La loi Veil sur les interruptions volontaires de grossesse vient d’être votée. Des vacations de psychologues sont crées dans les bureaux d’aide sociale. C’est dans le cadre de ces consultations de planning familial que Marie va écouter pendant 7 ans des femmes en détresse. Puis, elle obtient un poste de psychologue dans un hôpital psychiatrique à Villejuif. Elle y travaille trois ans auprès de grands psychotiques.
En 1986, lors d’un déjeuner amical avec François Mitterrand, alors président de la république, celui ci lui parle des travaux d’une commission ministérielle sur l’accompagnement des mourants et du projet de création d’une unité de soins palliatifs pilote à l’ancien hôpital universitaire (aujourd’hui Institut Mutualiste Montsouris) à Paris.
François Mitterrand lui propose alors d’intégrer la première équipe de soins palliatifs en Europe continentale. Cette équipe, dirigée par le Docteur Abiven, est entièrement volontaire. Marie participe à la formation des soignants qui se réunissent régulièrement en attendant que s’achèvent les travaux de ce petit service (12 lits) destiné à accueillir des personnes en phase terminale d’une maladie mortelle.
Dans un monde marqué par le déni de la mort, où trop souvent les gens meurent dans la solitude, le silence et l’abandon, cette création représente un formidable défi : montrer que l’on peut mourir dans des conditions humaines, dignes, sans souffrances intolérables, entourés de sa famille et de ses amis.
C’est l’expérience acquise dans ce service que Marie relate dans « la mort intime » (1995), préfacé par François Mitterrand, quelques mois avant sa mort.
Elle y raconte aussi certains moments forts vécus pendant les deux ans (1990-1992) qu’elle a passé au sein de l’unité de soins Sida, dirigée par le Docteur Tristane de Beaumont à l’hôpital Notre Dame du Bon secours. C’est l’époque noire du Sida, où de nombreux jeunes gens meurent dans les hôpitaux, remettant en question médecins et soignants démunis, car trop pris dans l’illusion de la toute puissance médicale.
Devant l’immense besoin d’accompagnement psychologique et spirituel des personnes touchées par le VIH, Marie de Hennezel fonde en 1992, avec Jean-Louis Terrangle, l’Association Bernard Dutant – Sida et Ressourcement. Son objectif est d’accueillir ceux qui, condamnés par la médecine, conscients d’avoir un temps limité à vivre, sont en quête de sens.
Avec l’évolution des nouvelles thérapies, le Sida devient une maladie chronique et l’Association Bernard Dutant, aujourd’hui basée à Marseille, s’oriente vers des activités de ressourcement pour « prendre soin de soi » (week-ends de marche, théatre, soirée de partage).
Depuis le succès de » la mort intime » (traduit en vingt langues) Marie continue à écrire pour transmettre son expérience et contribuer au changement des attitudes face à la mort. Elle participe à des congrès internationaux, des séminaires de formation, donne des conférences.
Sa formation universitaire (DESS de Psychologie Clinique et DEA de Psychanalyse à Paris VII) s’est enrichie de formations personnelles auprès notamment d’Elie Humbert (ancien président de la Société Française de Psychologie Analytique), de l’américain Richard Moss, de Frans Veldman, fondateur du CIRDH, Centre International de Recherche et de Développement de l’Haptonomie.
Sa formation à l’Haptonomie a été essentielle dans l’approfondissement des qualités de contact et de présence, si nécessaires dans le soin et l’accompagnement des grands malades et des mourants.
En octobre 2002, Jean-François Mattei, Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées, lui confie une mission sur la fin de vie.
Un rapport « Fin de vie et Accompagnement » est remis au ministre le 16 octobre 2003.
Le 17 décembre 2003, elle est auditionnée par la mission parlementaire d’information sur l’accompagnement de la fin de vie. Cette mission a proposé une loi sur les droits des malades et la fin de vie qui a été adoptée par le parlement le 30 novembre 2004.
Le 26 mars 2006, elle est invitée par Monseigneur André Vingt-Trois à donner une conférence à Notre Dame, sur le thème du « Mourir », dans le cadre des prestigieuses Conférences du Carême.
Elle a été chargée de mission auprès de Xavier Bertrand, Ministre de la Santé et des Solidarités. Dans le cadre de sa mission, elle a effectué un tour de France des régions, en appui des Agences régionales d’hospitalisation (ARH) et des DRASS, pour informer et sensibiliser les professionnels de santé confrontés aux fins de vie à la culture palliative.
Elle est membre du Comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement (CNSSA).
En septembre 2007, son rapport de mission « La France palliative » a été remis à Madame Roselyne Bachelot. Ce rapport fait l’état des lieux de l’avancée de la culture palliative en France.
Depuis septembre 2008, Marie de Hennezel anime régulièrement des séminaires sur « l’art de bien vieillir » pour la Caisse de retraite des professions du spectacle, de l’audio-visuel et de la presse.
Elle est l’auteure de nombreux ouvrages
Une vidéo sur l’abandon, le lacher prise
Au sujet de Christiane Singer :
Le dernier message de Christiane Singer
Lorsqu’elle a appris qu’il lui restait six mois à vivre, l’écrivaine Christiane Singer a commencé à rédiger ses Derniers Fragments d’un long voyage, témoignage bouleversant à l’approche de la mort. Extraits et entretien avec la psychologue Marie de Hennezel qui nous parle de l’ultime défi de son amie, décédée le 4 avril 2007. Violaine Gelly
Ses milliers de lecteurs n’attendront plus qu’elle bouscule une fois encore les bien-pensants et leurs certitudes sur l’amour, l’engagement ou la vie : le 4 avril, Christiane Singer a rendu les armes devant le cancer qui la dévastait depuis l’automne dernier. Mais elle ne laisse pas ses lecteurs orphelins. Avant de mourir, elle a remis à son éditeur le journal qu’elle tenait depuis le début de la maladie.
Entre l’écrivaine aux fulgurances spirituelles et Marie de Hennezel, la psychologue spécialisée dans l’accompagnement de fin de vie, l’histoire d’amitié était longue. Lors d’un forum sur le sacré, elles avaient partagé la même chambre. Là était née une connivence, un « chemin d’âmes sœurs » jalonné de rencontres plus ou moins lointaines. Marie de Hennezel a accepté de nous parler du livre de son amie, et de son ultime combat.
Psychologies : Qu’avez-vous éprouvé en lisant le livre de Christiane Singer ?
Marie de Hennezel : Son livre m’a totalement bouleversée. Il y a, d’une part, ce récit tellement poignant et vrai de sa maladie ; et d’autre part, cette maîtrise magnifique de la langue, cette capacité à mettre des mots justes sur ce qu’elle vit. Sans vouloir ôter à son expérience ce qu’elle a d’unique, elle m’a confirmé ce que d’autres m’ont appris, du temps où j’accompagnais des personnes en fin de vie : le propre de l’humain est qu’il est habité d’une force spirituelle qui lui permet de surmonter les pires épreuves. Christiane Singer nous le jure : « Quand il n’y a plus rien, il n’y a plus que l’amour. »
On est frappés par l’intensité de ses souffrances…
C’est là que réside le caractère d’authenticité de ce témoignage : Christiane Singer ne faisait pas l’impasse sur l’enfer de la souffrance, sur la tristesse de certains jours, sur son « potentiel de ressentiment ». Elle ne marchandait pas avec la maladie. Elle avait décidé, dès qu’elle en avait appris la gravité, de la vivre pleinement. Les moments difficiles alternaient donc avec des instants de grand bonheur, de joie, d’émerveillement. Puis, au fil des pages, la sérénité et le sentiment de liberté n’ont cessé de grandir. Pour elle, terminer ce livre a été un grand moment de bonheur : elle avait tenu le contrat qu’elle avait passé avec elle-même, celui de témoigner, chose qu’elle a fait toute sa vie à travers ses livres et ses conférences. Pour moi, c’est le livre d’un maître. Il a la même qualité et la même portée pour notre monde que le journal d’Etty Hillesum (Son journal, Une vie bouleversée (Points, 1995), qu’elle débute à 27 ans, en 1941, évoque notamment son évolution spirituelle au cours des derniers mois de sa vie – elle est morte à Auschwitz en 1943).
Nous sommes dans un monde où l’expérience de mourir est refusée. On voudrait, comme le dit Benoîte Groult dans son dernier livre (La Touche étoile – LGF, “Le Livre de poche”, 2007), « appuyer sur la touche étoile » pour ne pas avoir à vivre son mourir. Le « temps du mourir » n’est pas valorisé. On se demande quel sens cela peut avoir de vivre encore quand on est condamné par la médecine. Christiane nous fait découvrir que ce temps est une aventure pleine de sens, l’occasion d’échanges d’une qualité exceptionnelle avec les autres, une plongée en soi dont on sort plus vivant encore. Tout cela, Christiane nous le révèle avec tellement de vérité que son expérience personnelle revêt une portée universelle. Nul doute que ce livre changera notre regard sur la vie et la mort.
Dans quel état d’esprit se trouvait-elle lors des jours qui ont précédé sa mort ?
Elle était dans l’acceptation. Chacun meurt comme il a vécu. Christiane a toujours eu cette passion, ce don de rechercher la merveille dans chaque chose. Elle a vécu cet ultime temps de vie avec la même passion. La dernière fois que je l’ai eue au téléphone, elle m’a dit : « Je suis loin, très loin, mais je suis bien. » Ce qui m’a frappée, quand je suis allée lui dire au revoir, à Vienne, en Autriche, en entrant dans sa chambre, c’est le paradoxe entre les signes évidents de sa mort prochaine, sa maigreur, sa fragilité physique, et puis l’énergie qui débordait d’elle et qui régnait dans la chambre. Son regard, son sourire étaient pleins de vitalité. Elle reposait les mains ouvertes, sans attente, prête à tout.
Voir le thème de ce numéro : Notre départ de ce monde