Oui, c’est vrai, dans les émissions bouddhistes, on n’entend pas les femmes, mais cela est vrai pour toutes les religions et aussi dans le champ politique. Regardons un débat télévisé, combien de femmes ? lisons Le Monde et toutes ses déclinaisons (diplomatique, éducation, religions), un magazine économique, politique, combien de femmes ? quelles sortes d’articles ? Pourquoi donner la parole aux femmes ? le fait même de poser cette question est en soi une question.
A l’époque du vote sur la parité dans les listes électorales, un journaliste demanda à une candidate : « est-ce que les femmes seront meilleures ? » la femme politique interrogée lui répondit « pas forcément, parfois elles seront bonnes et parfois mauvaises, comme les hommes » « Alors rétorqua le journaliste tout à fait innocemment : pourquoi la parité ? »Cette réaction en dit plus long que tout un discours ! Pourquoi la parité, mais simplement parce que, comme disait Mao, les femmes sont la moitié du ciel (Gandhi affirmait même la meilleure moitié de l’humanité)
Dans les émissions bouddhistes, elles n’auraient pas forcément à dire plus qu’un homme, mais pas moins, elles auraient le même droit à la parole, à l’expression de leurs compréhensions, de leur pratique, de leur érudition. Or la réalité, c’est qu’on ne les entend et ne les voit que rarement alors qu’elles forment le plus gros des pratiquants.Dans les médias, les femmes se retrouvent cantonnées à des magazines dits « féminins ». Pensons à la chaine de télévision dite « des femmes » Téva ! quelle pauvreté !
La réflexion, la recherche, le débat politique, scientifique, philosophique, les prises de position sur tel ou tel sujet, y compris lorsque cela les concerne au premier chef, tout cela échappe aux femmes et reste pratiquement toujours du domaine masculin. Mêmes les femmes journalistes ont tendance, par habitude, à interroger des hommes. Plus qu’un barrage conscient et volontaire, je crois qu’il s’agit de représentations inconscientes, ancrées aussi bien dans l’esprit des femmes que celui des hommes.Une nonne bouddhiste américaine rapportait il y a quelques années que, dans une conférence rassemblant divers enseignants bouddhistes, chaque conférencier prenait la parole pendant une heure, les quatre femmes présentes avaient « tout naturellement « été regroupées dans une seule heure, soit un quart d’heure chacune !
Et l’organisateur ne s’en était même pas étonné, c’est dire la puissance des représentations inconscientes, en d’autres termes : les femmes n’ont rien d’intéressant à dire.Certes, toutes les femmes ne sont pas des puits de science et de sagesse, mais n’y a-t-il pas d’hommes médiocres ? La plupart de ceux qui s’expriment sur n’importe quel sujet dans des débats (ou dans les colonnes des journaux) emploient les mêmes phrases creuses, superficielles, des poncifs, des généralités qui n’apportent rien.
Que les femmes donc s’expriment ici, en dépassant la crainte de leur propre insignifiance, une crainte qui, il faut bien le dire, n’est généralement pas présente chez la plupart des hommes qui aiment croire qu’ils ont toujours quelque chose à dire !Oui il faut le répéter, et surtout auprès des femmes, prendre la parole est un droit qu’elles doivent, pour elles et pour d’autres femmes, oser prendre. Et si elles rencontrent des barrières, elles doivent oeuvrer à les renverser. C’est pourquoi je suis très heureuse de la venue au monde de ce magazine. Claire, Annecy