Là où nous sommes est le joyau où se reflètent tous les autres joyaux de la trame en réseau
Se réunir et s’asseoir dans la simplicité, la joie et la gratitude
Nous avons souvent tendance à imaginer que nous n’avons pas les bonnes conditions pour la pratique de la méditation. Le décor du quotidien manque de peps, d’exotisme, ou au contraire du dépouillement nécessaire à un temps d’assise. Sous l’effet de l’imagination d’un ailleurs meilleur et plus propice, nous transformons nos résolutions en faux espoirs. Remettre à demain ce que nous pourrions faire tout de suite produit, dans un premier temps, un soulagement mais ne résout pas le problème définitivement car demain arrive vite ! Nous nous faisons alors la promesse que quand nous aurons plus de temps, aux prochaines vacances, quand nous aurons fait tout ce que nous avons à faire alors nous aurons l’esprit plus tranquille pour la pratique.
Soyons réaliste, lorsque nous avons du temps pour nous, nous souhaitons le passer avec nos proches ou partir en vacances, ainsi les bonnes conditions ne sont jamais réunies telles que nous les imaginons. Nous devons réussir à intégrer là où nous sommes la pratique et l’enseignement. Pour cela, il suffit non de changer les conditions extérieures ou de se battre contre soi-même mais de changer notre regard.
Les bonnes conditions, nous les avons déjà. La plus essentielle est la précieuse existence humaine douée de capacités et de libertés. Nous avons aussi un minimum de confort matériel : un toit, de quoi manger, et des supports de méditation à foison !Inutile donc d’alourdir notre quotidien par de vaines promesses. Ouvrons les yeux, changeons notre regard et apprécions notre situation. Merci pour l’eau qui coule du robinet, merci pour ces chaussons qui réchauffent mes pieds, merci pour cet ordinateur qui me permet de travailler, merci pour cette nourriture qui maintient mon corps en bonne santé etc.
Bokar Rinpoche rappelle dans Savoir méditer que tout peut être support de méditation et servir à nous entraîner : un simple verre d’eau posé devant soi, les bruits de la ville… en effet il s’agit de développer l’attention lucide, la présence à ce qui est. Les objets ou supports de pratique sont donc tout ce qui est ordinaire et qu’en général nous cherchons à fuir.
Si trouver des conditions de tranquillité et de beauté dans un endroit propice n’est pas à rejeter, néanmoins n’en faisons pas une condition contraignante à l’expérience de la pratique qui consistera toujours à intégrer les éléments les plus insipides du quotidien. Kalou Rinpoche disait : un vrai pratiquant se tient au sommet d’un immeuble quand les avions passent au-dessus ! Il ne recherche pas une paix factice en s’isolant du monde. Si les conditions que nous avons aujourd’hui sont relativement bonnes alors mettons les à profit tout de suite.
Notre regard s’ouvre, devient vaste et frais. Nous acceptons de travailler avec les difficultés qui se présentent, au travail, dans la famille, face aux inattendus du quotidien. Nous n’attendons pas que les bonnes conditions viennent ou que nous soyons en forme physiquement ou quoi que ce soit d’autre, nous nous détendons avec ces tensions qui remettent toujours au lendemain l’essentiel et nous culpabilisent de ne pas réussir.
Entrer dans la voie du cœur se vit comme une délivrance des tensions inutiles, une bonne nouvelle qui ravive la confiance en nos qualités et nos possibles. Oui il est possible, comme le rappellent les instructions de lodjong (l’entraînement de l’esprit), de changer notre esprit sur place.
C’est juste qu’un jour il faut vraiment commencer à s’y mettre. Vous avez un lieu, chez vous, vous avez un coussin ou une chaise, vous respirez, vous désirez le faire, alors allez-y. Se réunir dans la simplicité pour s’adonner à l’essentiel, s’encourager mutuellement à ne pas rester constamment dans la frivolité et l’éphémère des intentions jamais réalisées donne confiance en la possibilité que les êtres ordinaires que nous sommes peuvent faire changer les choses. Nous ne remettons pas cela dans les mains d’autres personnes. Petit à petit la confiance s’enracine, petit à petit sans se soucier des fruits à produire, l’arbre prend et grandit, jusqu’à offrir ses bienfaits autour de lui sans même s’en rendre compte ni en tirer gloriole. Cela est simple, possible, naturel, vous le faites, pour que d’autres aient à leur tour confiance en ce chemin à portée de main.
L’auteure : LN Wangmo (Hélène Lemery) est l’auteure du livre Un diamant dans la poche, fondatrice du réseau de pratiquant(e)-praticien(ne) de la pleine conscience et de la psychologie bouddhiste Racines de la Présence