« L’une des prières principales des Tibétaines a pour objet la renaissance dans un corps d’homme. Elles sont totalement méprisées. C’est tellement injuste. Un jour, je me suis rendue dans un couvent où les nonnes rentraient d’un enseignement donné par un grand lama. Il leur avait dit que les femmes étaient impures et que leur corps était ‘inférieur’ à celui de l’homme. Comment voulez-vous construire une pratique spirituelle authentique lorsque de toutes parts on vous dit que vous n’avez aucune valeur.«
Après avoir lu avec tristesse ces mots de Tenzin Palmo à propos des nonnes tibétaines (voir précédent numéro), je me suis souvenue d’une histoire indienne très significative que j’aimerai partager avec vous :
Un jour, un homme qui vivait très pauvrement, entendit parler d’un viel ermite qui, disait-on avec crainte, savait fabriquer de l’or. Aussitôt, il se dit qu’il lui fallait le trouver et lui demander de partager son savoir avec lui. Il se mit en route, enquêta pendant longtemps et finit enfin par arriver à une grotte dans laquelle il trouva un étrange vieillard qui le dévisagea avec intensité.
Dès qu’il lui parla de son désir de partager son savoir sur la fabrication de l’or, le vieil homme nia avoir une telle connaissance ; mais l’homme insista, resta jour et nuit auprès de lui. Les mois passèrent, le vieillard finit par lui dire qu’il lui donnerait ce qu’il voulait, mais qu’il fallait qu’il lui obéisse de la façon la plus tricte pour la réussite de l’opération. Il commença à énumérer tous les ingrédients nécessaire à la transmutation. L’autre apprenait, apprenait avec avidité, et notait dans son esprit les moindres détails du processus.
Finalement le jour tant attendu arriva, le vieillard se purifia, médita et commença le rituel – qui était très long – et finalement, devant les yeux emerveillés de l’homme, un plat de cuivre fut transmuté en or étincelant.
Fou de joie, l’homme se jeta à ses pieds pour le remercier. Le vieillard lui dit alors : tu as vu comment faire n’est-ce pas ? il y a juste une seule chose que tu dois savoir, tout au long de ce rituel, à aucun moment tu ne dois penser à un gros singe gris…Qu’est-ce qu’un gros singe gris vient faire dans cette histoire ? C’est toute la question du controle du mental. Comme l’homme était incapable de controler son mental, l’ermite savait très bien qu’il lui serait impossible de répéter avec succès ce que lui-même venait de faire. Ce qui compte bien sûr c’est l’interdiction de penser à quelque chose, quoi que ce soit, un gros singe gris ou toute autre chose.Le rapport de cette histoire avec les paroles de Tenzin Palmo, c’est qu’en disant aux nonnes qu’elles sont inférieures, elles vont garder cela à l’arrière plan de leur esprit. Elles douteront de leurs possiblités d’accomplissement et se trouveront devant un obstacle mental formidable qui aura été implanté en elles.
Le bouddhisme ne dit-il pas que tout est mental ? Et bien évidemment, si peu de nonnes atteignent des réalisations spirituelles remarquables, il sera d’autant plus facile pour les moines et les lamas qui ont implanté en elles cette affirmation destructrice de dire : vous voyez, c’est bien la preuve que vous êtes inférieures ! Ne doit-on pas questionner la réalisation spirituelle de ces « grands lamas » qui affirment aux femmes qu’elles sont impures et que leur corps est inférieur ? alors que précisément l’objectif principal sur le chemin est de se libérer de tous les conditionnements ? Josyane