Contribution spécial compassion du n° 20Je conçois deux formes, purement existentielles, de compassion :
1- Celle qui consiste à partager, avec un être proche, les douleurs morales et psychique qui le harcèlent, de veiller sur lui, de ne cesser de penser à lui et aux souffrances, tant physiques que psychologiques qu’il doit supporter. De se mettre à sa place, pour ressentir ce qu’il peut ressentir. Cette compassion-là, concerne les êtres en fin de vie, ceux qui n’ont plus l’espoir de rajeunir ou de guérir. Elle est terrible à supporter car nous vivons littéralement ce que le « malade » vit, et si nous l’aimons profondément, cela cause en nous des déchirures insurmontables. Nous devons y faire face. Puis, quand cet être aimé dont nous avons vécu avec lui la passion, est enfin libéré, nous nous apercevons qu’au terme d’un certain temps, surgit alors en nous la résilience. Cette résilience dégage une telle énergie qu’elle nous permet de nous affermir et de poursuivre, avec une force renouvelée, notre route.
C’est, au final, une compassion vécue qui génère en nous de grands fruits.
2- Et puis il y a la compassion qui s’adresse à tous les êtres vivants, sans exception. Nous ne partageons pas, là, leur intimité mais nous savons pertinemment qu’ils souffrent. Le dukha est le lot de cette existence terrestre et il est difficile pour beaucoup d’entre nous de connaître le samudaya (cause des souffrances) car il nous remet en cause parfois. C’est pourtant là une étape nécessaire à la libération des souffrances (nirodha).
Mais qui a atteint le bonheur dans son état mental (pour les bouddhistes, il s’agit, pour cela d’avoir gravi les escaliers qui jalonnent les voies de l’Eveil) et qui n’éprouve pas ce sentiment de culpabilité vis-à-vis de ceux et celles qui souffrent encore, ne peut disposer d’un cœur pur et d’une conscience pleine et entière.
Je m’imagine parvenant au Nirvâna dans la béatitude et la sérénité éternelle. Ne me manquerait-il pas la présence des autres ? De ceux qui sont restés sur Terre ? De ceux qui se trouvent en d’autres lieux, délimités, de l’Univers (humains bien sûr, mais aussi animaux, prêtas, habitants des enfers, dieux de longue vie). La compassion s’adresse à tous les êtres, quel que soit le karma qu’ils ont pu engendrer durant leurs existences successives.
Pour cela il est nécessaire que l’esprit soit suffisamment éveillé et étroitement relié à ce qui est le cœur, le centre de tout notre amour.
La compassion ne peut se trouver dans le seul esprit, même purifié de tous les voiles, dès lors qu’il n’est pas fait appel à l’unique émotion indestructible car faisant partie de notre nature : l’amour. L’amour bienveillant est la seule énergie qui, en nous, peut faire rayonner cette compassion universelle, celle de tous les Bouddhas.
Louise, Clermont-Ferrand