Le zen est toujours associé au Japon, on pense rarement à la Corée. Or, dans le livre Blossoms of the Dharma, Mitra Bishop Sensei déplore que les pratiquants que l’on trouve au Japon dans les quelques rares temples dédiés à une pratique réelle soient le plus souvent des étrangers.
Tout au contraire, Chi-Kwang Sunim, une nonne coréenne d’origine australienne nous apprend dans ce même ouvrage combien la sangha bouddhiste, bien qu’en pleine mutation, est encore forte en Corée, et plus spécifiquement, la communauté des nonnes, unique dans le monde bouddhiste, par son niveau d’organisation, d’éducation et par l’estime dont jouissent les nonnes, même si les maitres sont principalement masculins.
J’ai traduit ici quelques lignes qui m’ont beaucoup touchée (dans le chapitre inspirations et influences), qui donnent envie d’aller en Corée et que je voulais partager avec les lectrices du magazine, Nadia :
« J’eus l’opportunité de rencontrer une nonne âgée de 102 ans qui avait médité depuis de longues années. Elle était assise droite, et elle tenait dans la main gauche un rosaire de grains noirs et un rosaire de grains blancs mélés ensemble.
Sans cesse, elle répétait silencieusement un mantra. Elle regardait l’espace en face d’elle de ses yeux entrouverts qui brillaient de l’éclat de l’éveil.
Ma présence ne déclencha qu’un seul mouvement de sa part, sa main droite saisit fermement ma main gauche pour me tirer près d’elle.
Comme elle avait des difficultés à entendre, je lui criais à l’oreille « je suis étrangère », elle leva les rosaires et dit « pratiquons ensemble ».
Quand je lui posai des questions sur son passé, elle répondit « quel passé ? » et le rosaire roulait tandis qu’elle me regardait droit dans les yeux comme pour y déceler quelque chose de si profond.
« Soyons illuminées ensemble » dit-elle. Il n’y avait rien d’autre à ajouter. Je restais collée à mon coussin, aggripée par sa main et par son immensité d’être. »
L’une de ses disciples me raconta son histoire. Elle était venue à cet endroit après avoir passé sa vie dans des halls de méditation. Vivant dans une hutte, elle avait poursuivi sa pratique comme si elle y était encore. Puis, une autre nonne apparut qui voulait rebâtir le temple. Tandis que cette nonne rassemblait des fonds et construisait un batiment après l’autre, la vieille nonne continuait à méditer huit heures par jour.
Jusqu’à ses 92 ans, elle lavait ses vêtements elle-même, nettoyait sa chambre et méditait. Quand le nombre de disciples s’accrut, ils la persuadèrent de les laisser faire. Elle n’en continua pas moins à pratiquer la méditation assise et marchée. On me rapporta que peu de temps avant sa mort, elle déclara qu’elle était totalement libre. Tout ce qui devait être fait était accompli et son coeur était en paix. Elle trépassa assise droite, roulant ses rosaires blancs et noirs.
Il y a de nombreuses nonnes pareilles à elle, qui passent de nombreuses années dans les halls de méditation et continuent seules leur pratique, inconnues. Un moine qui ferait de même deviendrait un grand maître avec des milliers de gens qui se précipiteraient pour le voir. Mais les nonnes préfèrent demeurer inconnues du public. Elles ne sont connues que d’autres nonnes qui méditent et sont souvent oubliées quand elles se retirent pour vivre en ermites. »